Les trois défis de la formation de joueurs en RDC

Par Muko
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L’échec au CHAN en janvier en a déçu bon nombre, mais n’a réellement surpris que très peu. Cette déroute soulève surtout une urgence : le football local traverse une crise grave, et le niveau de la formation de joueurs au Congo est catastrophique. Mais il existe heureusement quelques motifs d’espoir…

Voici les trois principaux chantiers du pays dans le domaine.

I) Former… les formateurs

Pour bien former, il faut être bien formé.

Problème : Ce qui parait évident ne l’est pas toujours en RDC. Force est de constater que la grande majorité des formateurs au Congo n’ont pas le niveau. Récemment, un buteur de Linafoot nous confiait par exemple qu’il n’y avait que très peu d’exercices spécifiques pour attaquants prévus à l’entraînement… si c’est le cas en première division, imaginez donc aux niveaux inférieurs ! C’est donc surtout au niveau du football de base, grassroots, comme le soulignait Junior Mutumene (Ligue Ndembo) et de la pédagogie que ça cloche. L’état des terrains au pays n’aide pas, et le problème de formation est directement lié à celui des infrastructures, que nous avons déjà traité. Mais il s’agit aussi de prendre en charge les talents dès le plus jeune âge, et appliquer la correction des défauts techniques, sans les laisser s’incruster avec le temps. En RDC, combien de joueurs à fort potentiel manquent des paliers dans leur formation, et arrivent en équipe première de leurs clubs aussi bien bourrés de talent que de lacunes ? On l’a encore constaté au CHAN…

Le constat est simple : si les formateurs ne sont pas bons, c’est qu’ils n’ont eux-mêmes pas été correctement formés. Il est donc important d’agir dans l’ordre : former des formateurs, avant de s’attaquer aux joueurs. Et avec l’ouverture du monde du football et les connexions qui en découlent, ce problème peut être résolu au niveau de la Fédération. Par exemple, à travers des partenariats axés sur la formation avec des Académies ou Fédérations étrangères reconnues dans le domaine. Le modèle du partenariat entre la Fédération Française et la MLS (championnat Nord-Américain) axé sur la formation est inspirant dans ce sens. Toutefois, l’Europe ne doit pas être un baromètre universel. Pourquoi ne pas se tourner vers l’Amérique du Sud pour un éventuel partenariat ? Un pays comme l’Uruguay parvient à former des joueurs de classe mondiale de générations en générations, malgré ses 3 millions d’habitants. À noter que parmi nos voisins d’Afrique centrale, le Cameroun et le Gabon se sont tournés vers le Qatar pour une promotion du football entre les deux pays.

Une autre initiative à prendre : organiser des séminaires de formation à travers le pays. Ces démarches nécessitent cependant de la volonté, et un mimimum d’attractivité. Un responsable de formation, certifié, pourrait ensuite être missionné dans chaque province afin de superviser la formation locale, et y appliquer les consignes de la DTN.

II) Intégrer des équipes de jeunes

Avec sa Katumbi Football Academy, le TP Mazembe est le seul club congolais à disposer d’un centre de formation. Photo TP Mazembe

En RDC, il n’existe quasiment aucun club de foot. Mais uniquement des équipes.

Enfin, presque… le TP Mazembe fait exception avec sa Katumbi Football Academy. Car pour avoir officiellement l’étiquette de club, il faut présenter une équipe de jeunes (une structure avec plusieurs catégories d’âge) en plus de l’équipe première. Et si le modèle de Mazembe est lojn d’être exempt de tout reproche, le TPM reste le seul club du pays avoir véritablement formé un joueur depuis son plus jeune âge avant de l’exporter, avec Jackson Muleka comme exemple le plus probant.

En effet, la Ligue devrait contraindre chaque club à créer une équipe de jeunes avant le lancement de la saison. Quitte à priver les clubs d’achats de joueurs afin de forcer le financement d’un centre de formation. La FECOFA pourrait également lancer une Linafoot de jeunes qui suit le même calendrier que celui de leurs ainés. Sur un autre modèle que celui annoncé pour août 2022, qui n’a pas tenu.

Dans un pays aussi vaste et ou les solutions de transports ne sont pas toujours fiables, ce projet n’est pas évident à lancer. On le conçoit. Mais on en revient au maître mot : la volonté.  Il faudrait donc repenser le format de notre championnat. Pourquoi ne pas s’inspirer de l’ancienne formule régionale, avec des Play-Offs finaux organisés à Kinshasa et Lubumbashi ? En suivant le modèle de leurs aînés, les jeunes n’auraient alors qu’à se déplacer pour le dernier carré du championnat.

III) Se tourner vers les Académies privées

Le chantier étant vaste, il sera difficile de toucher toutes les provinces du pays du jour au lendemain. Mais heureusement, certains ont déjà décidé d’agir.

 UJANA, Éclat Sport, Espérance Football Academy, Ligue Ndembo (Kinshasa), mais également GOAL Academy (Goma)… Ces dernières années, certains ont donc décidé de prendre les choses en main et fonder des académies privées pour former les jeunes talents. Toutes nées durant la décennie 2010, ces structures représentent un bel espoir. La plus ancienne, Ujana, a déjà formé trois joueurs Chadrack Muzungu, Ernest Luzolo, William Likuta et Mercey Ngimbi qui vivent aujourd’hui de leur passion. Pour les autres, on espère que le Congo en récoltera les fruits dans les années à venir. Mais d’après le niveau de professionnalisme observé à l’EFA, où nous avons réalisé un documentaire, on peut être optimiste ! Plusieurs clubs l’ont bien compris, et piochent déjà dans les académies pour y inscrire les meilleurs joueurs. Un modèle qui peut satisfaire tout le monde sur le papier, à condition que les académies y trouvent leur compte financièrement, et que les clubs ne se reposent pas exclusivement sur ce modèle, en fondant leurs propres équipes de jeunes.

Mais attention… ouvrir une académie, y inscrire des enfants, et susciter de l’espoir auprès des familles, ne doit pas être à la portée du premier venu. Une compétence certifiée (FIFA ou CAF) en la matière aiderait à rassurer sur la compétence des formateurs. De plus, une commission d’inspection pourrait – par exemple – être déléguée par le Ministère des Sports afin de contrôler la pertinence du projet, la qualité de ses formateurs et son déroulé.

En l’état actuel, la RDC est loin de rassurer les investisseurs, et partenaires en tout genre. Une initiative, même privée, devra faire ses preuves avant d’attirer un partenariat de développement avec un club professionnel de renom par exemple.

La balle est dans notre camp !

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