Des talents en fuite, des sélections en liquéfaction

Par LPF
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Le championnat congolais subit une fuite de talents ! Les clubs ont de plus en plus du mal à conserver leurs meilleurs éléments. Mais comment une ligue, à tort ou à raison, classée parmi les meilleures du continent peut autant s’égrener à la fin de chaque saison ?

Une interrogation à la fois balourde et curieuse qui triture les esprits, mais dont les spectres ne se calculent guère sur le vécu global du football congolais. Championnat, clubs, sélections, joueurs locaux, tous en pâtissent. Léopardsfoot s’est saisi de la question et a essayé de relater tant bien que mal ce nouvel épisode sombre de l’histoire footballistique congolaise.

Exode spectaculaire de joueurs, une Ligue prise au dépourvu

La fragilité d’une ligue se témoigne par la manière dont elle est perçue ailleurs, la réputation qu’elle dégage. Cela n’est possible qu’avec des joueurs de haut niveau. La Linafoot a toujours été réputée d’être l’un des meilleurs viviers d’excellents footballeurs sur le continent, mais certains aléas font que cette dernière soit boycottée davantage de ses meilleurs éléments.

L’éventuel départ de Dark Kabangu Kadima au Raja Casablanca ne pourrait être qu’une goutte dans un vase déjà quasi-pleine. Rien que pour les deux dernières saisons, Mukoko Tonombe, Rossein Tuisila, Jésus Moloko, Fiston Mayele et Djuma Shabani ont quitté Vita Club pour rejoindre Young Africans en Tanzanie.

Le Daring Club Motema Pembe a perdu également certains de ses tauliers notamment Enock Inonga Baka qui a filé à Simba en Tanzanie et Mukoko Amale qui a pris la destination de Difaa El Jadida au Maroc. Malgré la résilience du TP Mazembe face aux sollicitations de ses pépites, le géant Lushois a tout de même lâché certaines de ses étoiles montantes dont Glody Likonza et Isaac Tshibangu , respectivement transféré au Standard de Liège et à Anderlecht en Belgique. Lupopo a quant-à lui cédé Nathan Idumba Fasika à Cape Town en Afrique du Sud.

Des talents expédiés de manière précoce sans tenir compte de ce qu’ils auraient pu représenter pour le foot congolais en général et pour les clubs en particulier. *Rien qu’en deux ans* !

Les clubs en mode décrescendo

L’organisation et l’argent sont les piliers sur lesquels se bâtissent des grands clubs. Hélas, sans structuration interne et externe claire, les clubs congolais peinent également à se faire une santé financière stable pour préserver leurs bons éléments loin des convoitises grandissantes de l’étranger. «Je pense qu’en ce moment, les équipes tanzaniennes ont plus d’argent que les équipes congolaises. Elles peuvent donc se permettre d’avoir de meilleurs joueurs que nos joueurs à Kinshasa. Pour le moment, nous avons ce problème, nous avons moins d’argent que la Tanzanie et d’autres équipes en Afrique, donc nos équipes souffrent pour obtenir de bons résultats à cause de cela.» Lâchait Florent Ibenge sur un media Tanzanien il y a quelques mois.

L’argent fait défaut aux clubs congolais qui ne peuvent plus conserver localement les étoiles montantes. Même son de cloche au Daring Club Motema Pembe qui ne cesse de se vider au fil de saisons et ce, malgré les récentes interdictions de recrutement. « Nous avons un effectif des joueurs et nous ne pouvons pas le garder tous. Et nous n’avons pas à nous lamenter puisqu’ils sont partis. Nous allons travailler avec ceux qu’ils sont là.» se plaignaient Isaac Ngata, ancien entraîneur des Immaculés en début de cette année sur un média national.

Deux sorties médiatiques qui mettent à nu toute la complexité de la situation financière des clubs congolais. En manque de moyens pour la survie de l’institution, la vente des joueurs aux bonnes valeurs marchandes s’avère être l’unique alternative pour les clubs Congolais.

Mine de rien, les seules fois où les clubs congolais ont été performants en compétitions Africaines, il y avait une bonne réserve des joueurs locaux. La génération dorée du TP Mazembe Mputu Mabi, Joël Kimwaki, Patou Kabangu, Alain Kaluyituka, Hugues Bedi Mbenza, Nkulukuta Miala, Robert Kidiaba et celle à la base du réveil de Vita Club, menée par des joueurs comme Mubele Ndombe, Lema Mabidi, Nelson Munganga, Luvumbu Nzinga, Glody Ngonda, Fabrice Ngoma, Mundele Makusu… en sont des parfaites illustrations.

Il est donc évident que la bonne santé de clubs congolais en compétitions Africaines dépend largement de la présence qualitative des éléments locaux.

Les sélections touchées

Le CHAN 2009, 2016 ou encore la coupe d’Afrique 2015 ont démontré l’importance de joueurs locaux dans les sélections congolaises. Double champions d’Afrique chez les joueurs évoluant au pays, la République Démocratique du Congo est un des rares pays qui accordent une place capitale à l’ossature locale dans la sélection A. La symbiose de joueurs locaux et professionnels constitue l’ADN des Léopards depuis des décennies.

Certes, Hector Cuper, sélectionneur principal de la RDC a un penchant parfois démesuré pour les joueurs expatriés, mais la courbe descendante des locaux ne peut que lui rendre la tâche encore moins ardue. Désormais, la baisse en régime des clubs congolais dont l’une de cause majeure reste l’inconstance des effectifs, les départs précoces des bons éléments, fait qu’à l’heure actuelle peu sont les joueurs locaux qui sortent du lot.

Pour tout confirmer, les deux derniers Championnats d’Afrique des Nations ont affiché le niveau du football local congolais. D’abord aux abonnés absents au CHAN 2018 après l’élimination aux éliminatoires de la compétition face au Congo Brazzaville ( 0-0, 1-1), les Léopards locaux n’ont atteint que le huitièmes de finale au Cameroun à l’édition de 2020. Des piètres performance qui prouvent éloquemment la liquéfaction des doubles champions d’Afrique ( 2009 et 2016). Patatrac !

Le football congolais est en sérieuse difficulté, c’est vrai. La fuite des talents à la recherche des traitements plus confortables et des objectifs plus définis n’est que l’illustration sectorielle d’un champ global qui se meurt peu à peu. Il est temps de changer de paradigme.

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