Découverte : Francis Molasoko, un congolais à la FIFA

Par Rédaction
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Comme beaucoup de gamins, Il caressait le rêve de devenir footballeur professionnel mais après deux tentatives infructueuses aux USA et au Qatar, c’est finalement dans les bureaux de la FIFA que Francis Molasoko a trouvé sa voie… 3 ans après l’obtention de son « Master FIFA » en management et droit du sport, Francis Molasoko a accepté de revenir avec nous, sur son parcours et ce diplôme qui lui a permis d’intégrer l’instance gouvernante du football où il occupe actuellement le poste de coordonnateur de projet, zone Asie-Océanie.

Léopardsfoot : Bonjour M. Molasoko, il y a 3 ans, on vous découvrait sur les réseaux sociaux avec la présentation de votre Master FIFA que vous veniez d’obtenir… Mais avant de poursuivre, qui est Francis Molasoko et quel a été votre parcours ?
Francis Molasoko : Bonjour, je m’appelle Francis Molasoko, je suis actuellement coordonnateur de projet à la FIFA. Mais avant tout, je tiens à préciser que n’ai jamais été footballeur professionnel et c’est important pour moi de le signaler !

Cependant, mon parcours footballistique est le suivant ; j’ai commencé le football à l’AS Courdimanche dans le Val d’Oise, ensuite j’ai joué à Saint Ouen l’Aumône de 13 ans (DH) à 15 ans (DSR). Je n’ai jamais été un phénomène, juste un bon joueur lambda comme il y en a des milliers en région parisienne.)

En 2007 après l’obtention de mon bac STG, je suis parti à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). En 2008, j’ai intégré l’équipe de soccer universitaire de l’UQAM pour laquelle j’ai joué deux ans. Lors de la saison 2009, j’ai commencé à me renseigner sur la possibilité d’obtenir une bourse sportive pour intégrer une université américaine et jouer dans la prestigieuse NCAA (ndlr : Le championnat universitaire américain). Grace à l’aide de plusieurs personnes qui se reconnaîtront, j’ai pu obtenir une bourse pour intégrer l’équipe de soccer de West Virginia University en NCAA 1ere division. J’arrive là-bas en janvier 2011 et découvre des installations qui n’ont rien à voir avec ce que j’avais connu jusqu’ici. Tout était professionnel et organisé pour allier sport de haut niveau et études universitaire. Sur le point de vue personnelle, la première saison commence bien puis se termine mal. Ensuite, ma deuxième saison est sportivement un cauchemar, je fais partie des 5-6 joueurs que le coach boycott. Je décide alors de me concentrer sur mon bachelor en business administration/marketing que j’obtiens en 2013. Je reste un an aux USA sans vraiment jouer mais en faisant des petits boulots à droite à gauche et surtout en profitant d’une expérience de vie aux États-Unis.

Francis Molasoko sous les couleurs de West Virginia University en 2011 – NCAA

Mais en 2014, nostalgique de mon expérience universitaire et après une réflexion sur moi-même, j’ai décidé de me donner les moyens de rejouer à un niveau correct. Je sonde mon réseau envisageant de jouer dans des divisions amateurs en Angleterre, en Belgique mais finalement j’entends parler d’un club qui monte en première division luxembourgeoise ; l’US Mondorf les bains. Mon idée était de trouver un travail et de jouer en première division luxembourgeoise. Au final je signe dans le club, mais je ne trouve pas de travail. Et après peu de temps, j’ai décidé de retourner à Paris.

Léopardsfoot : Retour à la case départ en somme ?
Francis Molasoko : Oui, retour à la case départ, on est alors en décembre 2014, je suis âgé de 25 ans, et on me propose d’aller au Qatar travailler pour une académie de football (ndlr : Évolution Sports Qatar). Je débarque à Doha en 2015, pour six mois qui deviendront un an et demi. En parallèle j’intègre une équipe de 3ème division Qatari, et là c’est le kiffe total. Je me retrouve à jouer dans des stades pros (certes vides mais top installations), sur des pelouses magnifiques, avec des anciens pros (ndlr : Didier Domi, Djamel Belmadi, Rafik Saifi). En plus sur le point de vue personnel, je vivais avec mon ami Raoul Loe (international camerounais) qui lui venait de signer dans un club de D1 qatari donc j’avais un peu la vie qui allait avec. De plus, à cette période je me suis fais invité à un match de gala organisé à Saint-Barthélemy par Youri Djorkaeff. Je me suis retrouvé aux Caraïbes, à jouer un match devant des centaines de personnes et avec des ex-joueurs comme Patrick Vieira, Laurent Blanc, Habib Beye, Christophe Dugarry, Cris, Nene etc.

Sauf qu’une fois de retour à Doha, j’ai commencé à faire un premier bilan de ma vie et de ce que je voulais en faire. Être un « footballeur » de 3e zone qui ne vit même pas du foot ? Ou bien, de me donner les moyens de travailler dans ce milieu qui me passionne depuis mon plus jeune âge ? A 27 ans, mon choix fut vite fait. J’ai alors contacté un ami qui m’avait parlé de ce master en sport management destiné à des profils comme le mien : Le FIFA Master International en Sciences Humaines, Management et Droit du Sport dans lequel je me suis lancé.

Léopardsfoot : En quoi consiste exactement ce Master ?
Francis Molasoko : Le FIFA Master est un master en sport management sponsorisé par la FIFA mais organisé chaque année par le Centre International d’Étude du Sport (CIES) en collaboration avec trois universités ; De Monfort University (Leicester, UK), SDA Bocconi (Milan, Italie) et Université de Neuchâtel (Neuchâtel, Suisse).

Concrètement il s’agit d’un programme de 10 mois durant lesquels les étudiants apprennent sur l’histoire et la géopolitique du sport, le management et enfin le droit du sport à travers des études de cas, des interventions de conférenciers ainsi que le partage d’expérience de chaque membre de la promo. A la fin du cursus, les étudiants reçoivent un diplôme conjointement délivré par les 3 universités cité ci-dessus. Je dirais que ce qui différencie vraiment ce master des autres est le fait qu’il se déroule dans 3 pays, que chaque année les promos de 30 sont constitués d’étudiants d’environ 20 nationalités du monde entier. Enfin, le réseau des anciens étudiants est très actif et il y a une véritable entraide qui sert dans le milieu professionnel par la suite. Au-delà de l’aspect pédagogique, l’aspect humain de ce master fait aussi une énorme différence.

Léopardsfoot : Intéressant… Et quels sont les conditions d’accès à ce Master ? Demain, un étudiant congolais lambda peut-il s’inscrire à ce Master ?
Francis Molasoko : Oui, tout le monde peut candidater s’il remplit toutes les conditions. La première est d’avoir un diplôme universitaire de niveau licence (Bac +3) ; avoir un bon anglais afin de pouvoir suivre les cours ; avoir une expérience de travail d’au moins 2 ans ; avoir un intérêt pour le sport, une ouverture d’esprit à l’international et surtout être capable de travailler en groupe. Ensuite la sélection se fait sur dossier.

Léopardsfoot : Quelles sont les débouchées que peuvent apporter ce diplôme sur le plan professionnel ?
Francis Molasoko : Ce diplôme peut ouvrir pas mal de portes dans le milieu du football et du sport au sens large. Dans les chiffres, la FIFA est l’organisation dans laquelle on retrouve le plus d’anciens du master (environ 40), ensuite il y a du monde à l’UEFA, beaucoup dans les fédérations de leur pays, dans les comités d’organisation de compétition comme la Coupe du Monde 2022 au Qatar. Mais comme je l’ai dit, ça dépasse largement le cadre du football, il y a beaucoup d’anciens étudiants qui travaillent au Comité Olympique à Lausanne, d’autres pour des marques de sports (Adidas, Nike), d’autres en télévision (FOX Sports), pour la fédération internationale de Basket (FIBA) etc.

Léopardsfoot : Et vous… 3 ans après l’obtention de ce diplôme, qu’êtes-vous devenu ?
Francis Molasoko : Pour ma part, j’ai obtenu mon diplôme le 15 juillet 2017, et j’ai commencé à travailler pour la FIFA le 14 aout 2017. Depuis ce jour, je suis coordonnateur de projet pour les associations membres d’Asie et d’Océanie.

Léopardsfoot : Comment avez-vous réussi à intégrer cette structure qui, pour beaucoup de congolais, semble être un monde à part ?
Francis Molasoko : J’ai pu intégrer l’institution en partie grâce au FIFA Master. En effet, chaque année la FIFA offre stages exclusivement réservé aux étudiants de la promo. J’ai postulé pour l’une des offres mais je n’ai pas été pris. Cependant, les RHs de la FIFA m’ont contacté pour un entretien car mon profil intéressait la division Associations Membres et particulièrement la zone Asie-Océanie. En effet, mes expériences en Amérique, en Asie, en Europe et mes origines africaines font que je correspondais au profil recherché. Ce qui a fait la différence, c’est que parmi les fédérations d’Océanie, il y a la Nouvelle Calédonie et Tahiti qui sont des îles francophones, ma langue maternelle.

Léopardsfoot : Aujourd’hui, en quoi consiste votre rôle à la FIFA ?
Francis Molasoko : Aujourd’hui mon rôle à la FIFA est d’accompagner les 57 fédérations d’Asie (46) et d’Océanie (11) dans le développement du football dans leur pays respectif. Principalement à travers le programme Forward de la FIFA. Ce programme (introduit en 2016) consiste à fournir un soutien intégral et sur mesure à chacune des associations membres de la FIFA et à ses six confédérations. Il est basé sur trois axes ; plus d’investissement, plus d’impact, plus de supervision.

Nous sommes une équipe d’une dizaine de personnes en plus de notre directeur à travailler sur les deux zones citées ci-dessus.

Léopardsfoot : Avez-vous des exemples plus concrets à nous donner ?
Francis Molasoko : Plus concrètement, des exemples de projets sur lesquels j’ai directement participé sont la construction d’un centre technique aux iles Tonga ; la construction de terrains synthétiques au Bhoutan et en Mongolie ou encore l’organisation de session de développement des compétences pour les entraineurs à Tahiti pour ne citer que ces projets.

Francis Molasoko lors d’un déplacement professionnel en 2018 à Nuku Hiva – Tahiti.

Léopardsfoot : Vous êtes d’origine congolaise. Suivez-vous l’actualité de notre football ?
Francis Molasoko : Comme beaucoup de congolais d’origine, je suis les résultats de notre sélection nationale. Je suis derrière les léopards lors de la CAN, le CHAN, les qualifications pour la Coupe du monde etc. Mais pour être honnête, il m’est difficile, par contre, de suivre le championnat local pour lequel, je n’ai que très peu de connaissance. Je peux vous citer le nom des clubs comme le TP Mazembe, l’AS Vita, Renaissance ou encore St Eloi Lupopo mais je n’ai jamais eu la chance d’assister à un de leur match ni même un entrainement…

Léopardsfoot : Quel regard portez-vous sur notre football malgré le peu de connaissances que vous avez sur notre championnat local ?
Francis Molasoko : Mon regard sur le football congolais est qu’il a quand même bien évolué ces dernières années avec notamment des internationaux congolais qu’on voit ou qu’on a vu évoluer récemment dans les grands championnats ; Tisserand en Bundesliga ; Bolasie et Mulumbu qui étaient encore en Premier League il n’y a pas si longtemps. Ou Bakambu qui était en Liga avant d’aller en Chine. L’équipe nationale a fait bonne figure lors des 3 derniers CAN. Au niveau des clubs, on sait tous que le TP Mazembe reste une référence parmi les clubs de foot africain.

Cependant, je pense qu’il y a encore une énorme marge de progression afin que le football congolais s’installe comme une nation qui domine le football africain comme le sont par exemple la Corée du sud, l’Iran ou le Japon en Asie.

Mais s’établir sur le continent comme les nations que je viens de citer ne se fait pas du jour au lendemain. Ça pris du temps à ces pays pour arriver là où ils sont actuellement. Mais je pense sincèrement que le football congolais a le potentiel pour s’imposer sur le long terme parmi les 5 grandes nations du football africain.

Match de gala en marge du Sommet exécutif de la FIFA de Doha au Qatar – 2018

Léopardsfoot : Vous avez accepté, il y a quelque mois, d’intégrer le Club des Internationaux Congolais (CIC) en tant que membre. Brièvement, qu’est ce que le CIC et qu’est ce qui vous a motivé à accepter d’intégrer cette structure ?
Francis Molasoko : Mes origines congolaises… Je suis né et j’ai grandi en France mais je suis très fier de mes racines congolaises. Mes parents sont nés là-bas, j’ai de la famille proche au Congo. Quand je vais au Congo je me sens aussi chez moi.

Le football m’a beaucoup apporté dans ma vie, ce sport m’a permis de voyager, étudier, travailler.

Lorsque l’ex international congolais Hérita Ilunga m’a appelé pour me parler de l’opportunité d’intégrer le CIC, j’ai été flatté que mon profil puisse intéresser l’organisation. Ensuite, j’ai trouvé ça très intéressant de pouvoir intégrer une organisation dont les membres mettaient en commun leurs différentes compétences dans le but de soutenir le football congolais sous toutes ses formes. J’ai aussi beaucoup aimé l’approche de cette association, qui était positive et qui mettait l’accent sur le fait de ne pas vouloir être une organisation qui cherche à critiquer les instances officielles du football congolais mais plutôt à leur apporter du soutien.

Léopardsfoot : Pour finir, avez-vous des projets pour la RDC, que ce soit avec ou indépendamment du CIC ?
Francis Molasoko : Des projets concrets en RDC, non ! Je dirais plutôt que j’ai des idées et des objectifs. Depuis 2017, à chaque fois que je vais en RDC, j’en profite pour organiser des actions footballistiques avec des jeunes de la rue. En 2017 notamment à l’aide de plusieurs personnes nous avions organisé une après-midi de concours technique à Lemba, un quartier de Kinshasa. En 2018, on a organisé une journée à Semendua et à Kinshasa dans le même quartier de Lemba.

Sinon cette année, j’espère pouvoir revenir à Kinshasa et organiser un nouvel évènement avec tous ces jeunes si les restrictions liées au covid-19 sont levées.

Francis Molasoko lors de son séjour à Kinshasa en 2018

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