La FECOFA nous réserve bien des surprises… deux jours après avoir annoncé l’existence d’un accord de principe avec Rolland Courbis pour devenir le sélectionneur des Léopards – ce que l’intéressé a relativisé dans la foulée sur Twitter – l’instance du football congolais annonce avoir nommé un certain Claude Makelele au poste d’ambassadeur de notre football. L’ancien international français (71 capes) né à Kinshasa, remplace donc Aziz Makukula, qui occupait le poste depuis août 2014. Selon la Fédération, la mission de l’ancien milieu défensif du Real Madrid et de Chelsea sera de convaincre les binationaux à opter pour les Léopards. Et si Makelele ne s’est pas encore exprimé sur sa nomination, celle-ci divise déjà. Et il y a de quoi.
Makelele : un nom, une aura…
Pour la grande majorité des Congolais férus de foot, le nom de Claude Makelele évoque une certaine fierté. Pourtant, celui qui a grandi à Epinay-sous-Sénart, en banlieue parisienne – comme Youssouf Mulumbu, Tanguy Ndombele, ou encore Yoane Wissa – n’a jamais revêtu la tunique des Léopards. Mais s’il a quitté Kinshasa à cinq ans, beaucoup de congolais ont su s’identifier à lui. Dans le caractère qu’il affichait, ses intonations, ou encore son aisance avec le lingala, qu’il n’a jamais oublié. D’ailleurs, celui qui a commencé à jouer pour les Bleus en 1995 a toujours parlé du Congo comme « son » pays.
Makelele, c’est un nom, un palmarès de légende (vainqueur de la Ligue des Champions, double champion d’Espagne, double champion d’Angleterre et champion de France notamment), et un joueur constant qui faisait l’unanimité sur le terrain. Un travailleur acharné, un leader, très écouté par ses partenaires tout au long de sa carrière. Et ce, sans jamais faire trop de bruit, contrairement à ce que son patronyme indique ! Toutefois, il peine encore à matérialiser cette grande et belle expérience (21 ans de carrière) de l’autre côté du terrain. Car depuis sa retraite sportive en 2011, puis un rôle de conseiller sportif, et d’entraîneur adjoint du PSG, il s’est reconverti comme entraîneur, avec des fortunes diverses. D’un passage éclair sur le banc de Bastia en 2014 (limogé après six défaites en treize matchs) à deux ans à batailler contre la relégation avec Eupen, de 2017 à 2019, « Monsieur Claude » est loin d’avoir connu les mêmes gloires en tant que technicien, même s’il reste jeune pour un entraîneur.
Depuis son limogeage à la tête des Pandas, il a occupé la fonction d’ambassadeur du club, pour des projets sociaux. Puis, en juin 2019, il est revenu à Chelsea pour y être conseiller technique, et superviser l’évolution des joueurs prêtés par le club. Devenu consultant sur l’éphémère chaîne française Téléfoot en novembre dernier, il était annoncé dans le viseur d’Angers il y a deux semaines pour en devenir l’entraîneur principal. Le timing de sa nomination avec la RDC apparaît donc comme une surprise, surtout que le sélectionneur n’est pas encore officialisé…
… mais au bon endroit ?
Cependant, Claude Makelele n’en est pas à son premier rapprochement avec la terre de ses ancêtres, ni avec les Léopards. En 2019, il avait notamment rencontré le chef de l’Etat à Kinshasa, notamment dans le cadre de la construction d’une école de football en RDC, projet qu’il couve depuis plusieurs années. Il a aussi été, la même année, pressenti pour prendre la succession de Florent Ibenge à la tête de l’équipe nationale. Mais Constant Omari avait alors annoncé chercher « des compétences, pas un nom », lui fermant indirectement la porte. Mais sa nomination ne tombe pas de nulle part. Dans plusieurs interviews, accordées à différents médias congolais à la fin des années 2000, celui qui évoluait alors à Chelsea confiait son « plaisir » de voir des jeunes talents d’origine congolaise opter pour la RDC. Ce qui peut sembler paradoxal, le joueur ayant lui-même porté le maillot de la sélection de son pays d’accueil, la France. Tout aussi paradoxal que sa nomination au poste d’ambassadeur, d’ailleurs. Car pour convaincre un binational d’opter pour la RDC, le profil d’un ancien Léopard ayant évolué en Europe (Shabani Nonda, Hérita Ilunga…) peut apparaître plus approprié. Car Makelele, tout aussi expérimenté qu’il est, a passé sa carrière loin des réalités et des défis de la sélection congolaise.
Surtout, aura-t-il les ressources nécessaires pour agir ? Son désormais prédécesseur, Aziz Makukula, s’était souvent plaint du manque de moyens mis à sa disposition pour se déplacer, contacter les joueurs etc… et si rien n’évolue dans ce sens, il y a peu de chances pour que Makelele soit plus rentable que Makukula, très critiqué pour son inefficacité tout au long des six ans qu’il a passé à ce poste. Le statut de l’ancien international portugais qui, lui aussi, avait joué pour une autre sélection, ne l’a pas aidé à se faire accepter auprès du grand public. Et c’est difficile d’en vouloir aux Congolais sur ce point. L’ambassadeur d’une marque, ou d’une instance, a le rôle de représenter cette dernière, pas de la transformer. Autrement dit, si la FECOFA a un vrai projet derrière la nomination de Makelele, et compte enfin exploiter le vivier de binationaux de manière structurée et planifiée, les résultats suivront rapidement. Sinon, rien ne changera…
En bref, Makelele n’a jamais caché sa volonté d’aider le Congo, et de contribuer au développement du football de son pays d’origine. Et ça tombe bien, car son expérience du haut niveau et sa réputation peuvent être un atout indéniable pour la sélection. Mais le poste d’ambassadeur est-il vraiment fait pour lui ? L’avenir (très proche) nous le dira…