Défaite par le Cameroun à Douala (2-1), la RDC ne verra pas le dernier carré du CHAN 2020. Plombés par deux erreurs individuelles face au pays-hôte, les Léopards locaux rentrent à la maison sans avoir été à la hauteur des attentes, malgré un statut de favori. Au-delà du terrain, une introspection est nécessaire pour comprendre les causes profondes de cette déroute.
Une préparation tronquée…

La RDC n’aura bénéficié que d’une semaine de préparation… soit trois fois moins que ses adversaires directs.
En février 2020, la FECOFA annonçait avoir bloqué un stage du 18 mars au 1er avril à Libreville, afin de préparer le CHAN. Un objectif louable, qui aurait laissé le temps aux Léopards d’aiguiser leurs armes pour défendre leur titre au Cameroun. Deux rencontres, avec le Maroc et le Burkina Faso, devaient alors permettre aux Léopards de se jauger. Malheureusement, ce stage n’a jamais eu lieu… En effet, le report du CHAN décidé par la CAF suite à la pandémie aura eu raison de l’organisation prévue par la Fédération Congolaise, qui a donc annulé le rassemblement.
La RDC était loin d’être la seule sélection dont l’organisation était impactée. En revanche, elle a été particulièrement lente pour s’adapter à la pandémie, et réagir en conséquence. Car l’unique stage de préparation des Léopards débutait le 9 janvier en Tanzanie, soit… une semaine avant leur match d’ouverture. Un peu court pour préparer correctement une compétition de cette importance ! A titre de comparaison, le Maroc a lancé son premier stage de préparation le 20 novembre dernier. Le Mali, autre qualifié, s’entraînait trois semaines avant la compétition. Quant aux joueurs du pays hôte, ils étaient regroupés depuis le 20 décembre à Mbankomo.
La préparation des Léopards accusait donc plusieurs semaines de retard sur celles de leurs adversaires. Pourtant, la volonté des joueurs, qui n’ont pas lésiné sur les efforts sur le terrain, a d’abord su compenser l’absence de préparation adéquate. Surtout que certains Léopards étaient déjà en pleine compétition en Linafoot, et d’autres en Ligue des Champions. L’équipe partait donc avec un handicap sérieux au niveau de la cohésion et des automatismes du groupe pour prétendre au dernier carré.
… par trois changements d’entraîneurs !
Mais au-delà de ça… changer trois fois de sélectionneur au cours de l’année qui précède un tournoi est-il vecteur de stabilité et de sérénité ?
Au 20 octobre 2019, les perspectives étaient belles pour les Léopards locaux. Leur victoire 4-1 face à la Centrafrique à Kinshasa scellait leur qualification pour le CHAN, après une victoire 2-0 à l’aller à Bangui. Quatre matchs officiels, quatre victoires : les hommes de Christian Nsengi remplissaient alors leur mission, et entamaient un travail encourageant pour la suite.
Cependant, Nsengi était débarqué quatre mois plus tard, remplacé par Pamphile Mihayo. « Il est important de ne pas tomber dans les erreurs du passé. La FECOFA a pris la décision de séparer les staffs techniques pour ne plus commettre la même erreur de surmenage qu’a eu l’ancien sélectionneur Florent Ibenge » expliquait Constant Omari, laissant à Nsengi le soin de se concentrer pleinement sur les A. Mais alors que l’équipe commençait à bâtir des bases solides, le timing était-il réellement pertinent pour un changement de staff ?
Un des adages les plus simples et répandus dans le football n’en demeure pas moins un des plus réalistes : on ne change pas une équipe qui gagne. D’ailleurs, Florent Ibenge, n’avait-il pas remporté le CHAN au Rwanda un an après sa troisième place obtenue à la CAN avec les Léopards, dont il était toujours le sélectionneur ? La question de son surmenage (avec sa double casquette d’entraîneur de Vita, et non de son statut de sélectionneur des locaux) n’a réellement posé problème qu’à partir de 2017.
En outre, le choix de Mihayo, qui avait déjà Mazembe à sa charge, est assez surprenant. Surtout lorsqu’un problème de surmenage est invoqué. Car le métier d’entraîneur en club est – au moins, si ce n’est plus – aussi prenant que celui de sélectionneur.
Par la suite, Mihayo ne survit pas à l’élimination des Corbeaux en Ligue des Champions face au Raja Casablanca fin février, et est envoyé par Moïse Katumbi en stage au Standard de Liège pour perfectionner ses gammes d’entraîneur. Mais en tant que sélectionneur principal des locaux, l’ancien capitaine des Léopards vainqueurs au CHAN 2009 n’aura pas eu l’occasion de diriger le moindre match, le stage prévu au Gabon étant annulé. Surtout, il est lui-même remplacé au volet par Florent Ibenge en décembre dernier, soit deux mois avant le début de la compétition, et relégué au rôle d’adjoint.
Les deux hommes ont beau se connaître, avoir déjà travaillé ensemble, une tactique reste propre au coach qui la confectionne. Par conséquent, un second changement de sélectionneur deux mois avant le début d’un tournoi était une grande prise de risque.
Un coaching qui n’a pas réussi à Ibenge…
Dans ce contexte particulier, Florent Ibenge n’aura pas vraiment brillé par son coaching durant le tournoi. Et les deux victoires obtenues face à des nations plus faibles en phase de poules ne doivent pas être un trompe l’oeil. Premier exemple : la rotation excessive au poste de meneur de jeu, poste essentiel dans 4-2-3-1 qu’il avait concocté. Karim Kimvuidi, Ciel Ebengo puis Jérémie Mumbere s’y sont succédé, sans qu’aucun ne parvienne à pleinement convaincre. Utiliser trois profils différents en quatre matchs dans l’animation du jeu s’est avéré contre-productif. La passe en profondeur ratée par Mumbere contre le Cameroun, qui donne la balle derrière Lilepo alors que l’équipe jouait une offensive à trois contre deux est un triste symbole du manque d’automatismes qui a souvent caractérisé l’équipe. En réalité, ces quatre matchs ont ressemblé à une préparation… mais en plein tournoi.
Idem pour la confiance maintenue en Fiston Kalala Mayele, buteur lors du match préparatoire en Tanzanie, mais totalement passé à côté de son CHAN. Et son repositionnement sur l’aile droite lors du quart de finale n’aura rien changé.
En fin de compte, seule la paire Mika-Masasi aura montré quelques belles choses à la récupération, ainsi que la défense. La charnière Inonga-Idumba a été globalement solide, surtout le premier cité. Après des débuts difficiles, Shabani Djuma a réussi à hausser son niveau de jeu au fil des matchs, tandis que son pendant à gauche Ernest Luzolo s’est montré assez irrégulier.
Néanmoins, on ne pourra pas reprocher aux joueurs leur envie de bien faire, et leur détermination à compenser leur manque d’automatismes en mouillant le maillot. Cette génération est, sans aucun doute, moins talentueuse que celle de 2016. Mais de nombreux regrets peuvent être nourris quant au manque de préparation.
… et des cadres aux abonnés absents.
Le lendemain de l’élimination, un joueur est livré à la vindicte populaire : Ley Matampi. Auteur d’un bon début de saison avec Lupopo, le gardien vétéran était rappelé par Florent Ibenge. Malheureusement, l’ancien portier du DCMP n’a pas su faire honneur à la confiance d’Ibenge. Directement impliqué sur l’égalisation camerounaise, où sa sortie complètement ratée profite à Yannick Ndjeng, il est ensuite surpris par la frappe lointaine, mais déviée, de Félix Oukiné sur le second but des Lions Indomptables. C’est déjà trop pour un joueur de son expérience, dans une rencontre aussi décisive.
Toutefois, attention à ne pas s’acharner à outrance sur lui. Si Matampi est indéniablement responsable du premier but encaissé, il apparaît surtout comme l’arbre qui cache la forêt. Et l’élimination des Léopards est loin d’être de son unique fait. Surtout, tâchons de ne pas avoir la mémoire trop courte, et de nous rappeler son rôle-clé dans l’obtention du trophée en 2016, ainsi que ses parades parfois décisives avec les Léopards A. Malheureusement pour lui, chaque échec dans le football s’accompagne d’un bouc émissaire, et cette fois, c’est son tour…
Le brassard que portait Matampi hier soir, et la responsabilité qui lui était conférée à travers celui-ci ne l’aidera pas à se faire pardonner facilement auprès des supporters. Initialement nommé capitaine, Issama Mpeko n’aura finalement pas disputé la moindre minute au cours du tournoi. Détecté (soi-disant…) positif à la COVID pendant toute la phase de poules, le latéral de Mazembe a vu Djuma Shabani lui être préféré pour le quart de finale. Idem pour Merveille Kikasa, très attendu par les supporters et qui aurait certainement bénéficié d’une place de titulaire, s’il n’avait pas été testé, lui-aussi, positif. Mais les deux joueurs sont loin d’être les seuls…
Tests COVID défaillants : une déstabilisation du Cameroun ?
En effet, Issama, Kikasa, Ngimbi, Atibu Radjabu , Kinzumbi, Kimvuidi, Mukumi, Bikoko, Mabruki, Likuta Tulenge, le kiné Masaro … et Florent Ibenge ! La liste des membres de la délégation congolaise ayant été déclarés positifs au moins une fois pendant le tournoi est longue comme le bras.
Mais comment expliquer qu’un membre de la délégation camerounaise puisse déclarer que la RDC compte treize cas positifs la veille du quart de finale, avant même que la CAF et le staff Congolais soient au courant ? La contre expertise menée le jour-même du match avec la Confédération a permis, après réexamination, de déclarer finalement trois membres positifs. Une situation aussi rocambolesque que suspecte. « J’ai été obligé de prendre des médicaments alors que je n’étais pas malade. Je n’ai jamais eu de covid-19, mais ils ont dit que j’en souffrais. Ce n’est pas bien. Je ne suis pas le seul. » s‘est plaint Florent Ibenge en conférence de presse d’après-match. J’ai des joueurs qui n’ont jamais joué alors qu’ils n’avaient pas de Covid-19. Ce n’est pas normal. Le football est une question de joie et non de tuer des gens […] Hier, les résultats sont sortis avec 13 joueurs positifs au Covid-19. Nous avons contesté les résultats et choisi de faire un nouveau test. Les résultats sont sortis et dans toute notre délégation, seules trois personnes ont été testées positives ».
En effet, pas très clair, tout ça… Après avoir échoué à accueillir la CAN 2019, ce qui avait alors chamboulé tout le calendrier, le Cameroun verra encore son image ternie avec ces dysfonctionnements. Espérons que la lumière soit faite par la CAF sur cette affaire, qui flirte avec l’anti-sportif. Car si le pays hôte du CHAN n’est pas à même d’assurer un accueil sain et fair-play à ses adversaires, qu’en sera-t-il lors de la CAN, que le Cameroun est censé organiser en janvier 2022 ?
Comme nous l’avons démontré, la RDC paye à nouveau sa préparation bâclée. Les premiers responsables de cette élimination sont donc Congolais. Mais la gestion par le Cameroun de « l’épisode COVID » reste inacceptable. Espérons que la FECOFA s’en plaigne auprès des autorités compétentes.