Depuis la publication de la liste des 26 Léopards pour la CAN 2025, une question revient avec insistance : pourquoi aucun joueur de LINAFOOT n’a été retenu ?
Certains y voient un scandale, d’autres une injustice. Mais en creusant, la question mérite d’être posée autrement : et si le problème était bien plus profond ?
Des produits locaux bien présents
Chancel Mbemba (capitaine des Léopards, ndlr), Meschack Elia, Fiston Mayele ou encore Edo Kayembe : tous ces joueurs sont issus du football local. Leur trajectoire prouve que le talent formé au pays peut aller loin, à condition d’évoluer ensuite dans un environnement professionnel.
Il faut être honnête : beaucoup de joueurs actuels en LINAFOOT ne sont pas prêts pour le haut niveau international. En cause ? D’énormes lacunes sur le niveau de la formation , des infrastructures insuffisantes, parfois indignes, et un championnat instable. Comment rivaliser avec des joueurs qui évoluent chaque semaine dans des ligues organisées et exigeantes ?
Oscar Kabwit, appelé en 2024 lors de la trêve de novembre en remplacement de Kakuta alors qu’il brillait avec Mazembe, avait déçu… dans un match pourtant sans enjeu. Il incarne cette difficulté de la transition entre performance locale et exigence internationale.
L’Égypte et l’Afrique du Sud : des comparaisons qui ne tiennent pas
L’Égypte ou l’Afrique du Sud s’appuient sur leurs locaux, oui. Mais avec des ligues professionnelles, bien structurées, et un réel système de formation. La RDC en est loin. Demander à Desabre d’appeler des joueurs d’un championnat souvent à l’arrêt, c’est ignorer la réalité du terrain.
Ce débat montre surtout l’urgence de reconstruire : formation, infrastructures, foot des jeunes. Si ces chantiers sont pris au sérieux, les locaux reviendront naturellement chez les A. En attendant, il faut être compétitif avec ce que le football congolais produit de mieux aujourd’hui.
On triche vraiment ?
Au cours d’une interview accordée à Top Congo FM, l’ancien Léopard Eugène Kabongo a suscité une vive polémique. Selon lui :
« Si on regarde la réalité des choses, quelque part nous sommes les tricheurs… dans le sens où on fait jouer les binationaux, des joueurs qui ne sont pas formés au Congo. »
Des propos qui ont immédiatement provoqué indignation, aussi bien chez les journalistes que chez de nombreux supporters. Idem pour l’ancien Léopard Yves Diba Ilunga, qui qualifie l’absence des locaux pour la CAN 2025 d’« insulte.»
Binationaux : une fausse accusation ?
Historiquement, la sélection congolaise A reposait largement sur le vivier local. Mais le football a évolué partout dans le monde. De nombreuses nations africaines comme l’Algérie, la Côte d’Ivoire, le Nigeria ou encore le Sénégal ont compris l’importance de moderniser la formation.
Le Sénégal, par exemple, a bâti un modèle solide avec Génération Foot, en partenariat avec le FC Metz. Résultat : l’émergence de talents comme Sadio Mané ou Pape Matar Sarr.
Dans ce contexte, parler de « triche » n’a donc aucun sens. Le recours aux binationaux est une réalité mondiale. Et surtout : tous ces joueurs sont congolais, qu’ils soient nés au pays ou à l’étranger. Leur engagement ne remet nullement en cause leur nationalité ni leur légitimité.
La LINAFOOT, un vivier sous-exploité!
Chaque saison, la LINAFOOT et les championnats locaux révèlent de jeunes talents : Ibrahim Matobo, Paul Massey, Faveurdi Bongeli, Kashala Wanet, pour ne citer qu’eux.
Le problème ne réside pas dans le talent, mais dans la structure qui entoure ce talent.
Le championnat congolais souffre de nombreux dysfonctionnements :
matchs annulés ou reportés en cascade,
manque criant d’infrastructures,
amateurisme dans la gestion,
complaisance entre clubs et dirigeants.
Dans un tel contexte, il devient difficile pour les jeunes joueurs locaux d’atteindre le haut niveau ou d’être compétitifs face aux binationaux formés dans des centres professionnels européens.
Pour un développement rapide, une piste logique serait de collaborer avec des clubs réputés pour leur formation, en France, en Belgique, Angleterre ou ailleurs.
Le talent existe. Ce qui manque, c’est la rigueur et la professionnalisation.
Comment relancer le football local ?
Trois piliers sont indispensables pour espérer relancer durablement le football congolais :
• Des infrastructures modernes
Stades, terrains d’entraînement, centres médicaux sportifs… Sans ces outils, impossible de hausser le niveau.
• Une formation sérieuse des joueurs et des formateurs
Un football fort commence par des entraîneurs compétents, capables de transmettre des méthodes modernes.
• Une politique claire pour le développement de la jeunesse
L’exemple marocain est frappant. Avec l’Académie Mohammed VI, la Fédération a misé sur le football de base. Résultat :
Champion d’Afrique U17,
Champion du monde U20,
Avec des générations de jeunes talentueux et encadrés. Ce succès n’est pas dû au hasard : il découle d’une vision, d’un investissement et d’une stratégie.
Espérons que les récents succès des Léopards serviront de déclic pour que la FECOFA et les décideurs s’engagent enfin dans une réforme profonde et ambitieuse.
Article co-écrit par Darius Tshibangu et Henock Seke !
