La double nationalité dans le football est une richesse pour les joueurs, car elle leur offre la possibilité de choisir entre plusieurs sélections nationales. Cependant, un constat s’impose aujourd’hui : de nombreux binationaux d’origine africaine, et congolaise en particulier, privilégient leurs pays adoptifs au détriment de ceux de leurs parents ou grands-parents.
Ce choix est justifié par plusieurs raisons spécifiques :
- Les fédérations européennes disposent généralement d’infrastructures de pointe, offrant aux joueurs un environnement optimal pour perfectionner leurs compétences et maximiser leur développement.
- Représenter une sélection prestigieuse comme la France, l’Angleterre, le Portugal ou la Belgique permet aux joueurs de gagner rapidement en notoriété, favorisant leur exposition médiatique et leurs opportunités dans leur carrière.
- La stabilité et le professionnalisme de certaines fédérations européennes constituent un facteur clé qui incite les binationaux à choisir leur pays d’adoption, en raison d’une gestion fiable et structurée.
Faut-il condamner les binationaux pour cela ?
Il semble que non. Ces joueurs ont été formés et préparés pour évoluer dans leurs pays adoptifs, il est donc logique qu’ils optent le plus souvent pour ces sélections. Toutefois, des abus ont été observés, tant du côté des joueurs que des fédérations africaines et des supporters. Ces abus ternissent l’image du football africain.
Les abus du côté des joueurs
- Certains binationaux, non appelés par leurs pays adoptifs, attendent longtemps jusqu’à l’âge de 27, 28 et 29 ans avant de se tourner vers leur pays d’origine ;
- D’autres choisissent leur pays d’origine en fin de carrière, souvent par opportunisme. On peut citer le cas Dennis Odoi (Belgo-ghanéen) qui a rejoint le Ghana à l’aube de Coupe du monde 2022, alors qu’il était âgé de 34.
- Certains tiennent des propos dénigrants envers leur pays d’origine. Ce cas nous rappelle les propos du Franco-congolais Jonatan Ikone au micro de nos confrères BeIn sports :
«La CAN n’est pas pour moi. Je vais essayer de préparer au mieux l’Euro U23 qui arrive et aller le plus loin possible avec les bleus.» avait-il déclaré.
- D’autres relèguent ouvertement leur appartenance africaine au second plan, déclarant par exemple.
« Le choix entre la France et la RDC n’a pas vraiment été difficile, parce que je connais assez peu mon pays d’origine et que ce sont des choix avant tout motivés par des raisons professionnelles. Je recevais pas mal de convocations du Congo et en même temps, plusieurs personnes me disaient que de toute façon, je ne jouerais pas en équipe de France ; je voulais donc y arriver et progresser pour atteindre ce niveau-là. » avait-il déclaré auprès du magazine Emile.
- Enfin, certains font de fausses promesses à leur pays d’origine, prêts à l’abandonner au premier appel de leur fédération adoptive.
Une situation qui rappelle celle de Timothy Fayulu, qui avait abandonné l’équipe nationale congolaise en 2021 au profit de la sélection U21 suisse.
« J’ai eu un rendez-vous avec la Fédération suisse qui m’a tenu un discours clair et net. Aujourd’hui, je suis international suisse et je vais tout faire pour honorer cette sélection. J’en suis très fier. », s’était-il défendu lors d’un live Instagram.
Cependant, depuis juin 2024, le gardien du FC Sion a effectué son retour en sélection après avoir participé à l’Euro U21 avec la Suisse.
Les abus du côté des fédérations africaines
Bien que des progrès aient été réalisés récemment dans certains pays comme le Maroc, l’Afrique du Sud ou la Mauritanie, les fédérations africaines ne proposent pas toujours des conditions favorables à l’épanouissement des joueurs binationaux et locaux au sein des sélections nationales. Une fois en sélection, certains joueurs font face à des problèmes d’organisation.
Par manque de projets concrets pour la formation locale, ces fédérations dépendent fortement du talent des binationaux.
Leur approche des binationaux manque de stratégie claire, révélant une certaine improvisation.
En Europe, la sélection nationale reflète l’image du pays, et le comportement des joueurs prime souvent sur leur talent. Malheureusement, les fédérations africaines continuent d’accueillir des binationaux ayant tenu des propos ou adopté des comportements irrespectueux envers leur pays d’origine.
Les abus du côté des supporters
- Faute de projets efficaces de la part des fédérations, les supporters croient que le salut du football africain repose uniquement sur les binationaux, alors que des pays comme le Sénégal ont remporté la CAN 2021 avec des joueurs formés localement ;
- La question des binationaux génère de la frustration, poussant certains supporters à insulter les joueurs qui refusent de représenter leur pays d’origine.
- Certains supporters pensent à tort que les binationaux font une faveur à leur pays d’origine en le rejoignant ;
- Cette question divise les supporters : certains sont prêts à accueillir à nouveau des binationaux ayant dénigré leur pays d’origine, tandis que d’autres estiment qu’aucun talent ne justifie de compromettre la dignité nationale.
Que faire pour y remédier ?
- Sensibiliser les supporters : les binationaux n’ont pas l’obligation de choisir leur pays d’origine. Les insultes doivent donc être proscrites ;
- Pour bâtir des sélections compétitives, les fédérations doivent investir dans la formation locale tout en laissant la porte ouverte aux binationaux souhaitant rejoindre leur pays d’origine, qui reste le leur ;
- Les binationaux doivent respecter leur pays d’origine au même titre que leur pays adoptif.
- Les fédérations africaines doivent adopter des règles strictes :
1. Ne plus sélectionner les joueurs qui changent d’avis après s’être engagés avec leur pays d’origine ;
2. Ne plus convoquer ceux qui, après avoir attendu trop longtemps une sélection européenne, se tournent vers leur pays d’origine à 27 ou 28 ans par dépit ;
3. Cesser de solliciter les joueurs qui refusent à plusieurs reprises leur pays d’origine dans l’espoir d’être appelés par leur pays adoptif ;
Sollicité pendant plusieurs années par Djamel Belmadi, Yacine Adli avait décliné les avances de l’Algérie avant d’annoncer publiquement les raisons de son choix vers la France :
Voici les propos de Yacine Adli : « J’ai parlé avec Djamel Belmadi, les choses allaient dans le bon sens, il m’appréciait beaucoup, mais la situation s’est compliquée après son départ. Je suis supporteur de l’Algérie mais en tant que joueur j’ai choisi la France. J’ai choisi la France pour le haut niveau. », a-t-il expliqué à La Gazetta Dello Sport.
Suite à ces déclarations, le président de la Fédération Algérienne Walid Sadi avait annoncé que les portes de la sélection était désormais fermée pour le milieu de la Fiorentina :
« Yacine Adli, ne portera jamais le maillot des Fennecs. cette position demeurerait inchangée, même si le joueur venait à atteindre les sommets du football. », a-t-il déclaré auprès du journaliste Jugurtha Ibersiene.
4. La FIFA devrait revoir la règle sur le changement de nationalité sportive, en fixant, par exemple, une limite d’âge à 23 ans pour effectuer ce changement.