Jojea Kwizera : « Un jour, je rendrai fier mon pays »

Par Muko
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Demi-finaliste des Playoffs de MLS avec Montréal cette saison, Jojea Kwizera vient de très loin…

Né à Bukavu il y a 23 ans, il n’en connaît pour l’instant pas grand chose, la guerre poussant sa famille à fuir sa région d’origine. C’est donc dans un camp de réfugiés en Tanzanie, où il vit entre ses cinq et ses neuf ans, qu’il découvre le ballon rond, qui devient vite un exutoire.

Accueilli par une famille américaine, il grandit ensuite dans l’Utah, où il s’investit à fond dans le « soccer » universitaire. Un choix qui paiera, puisqu’il est sélectionné en janvier dernier par Montréal lors de la « draft » annuelle, signant un contrat professionnel trois mois plus tard.

Pour la suite, celui qui a disputé 11 matchs en D1 pour sa première saison professionnelle est ambitieux, tout en gardant la grande modestie de ceux qui viennent de loin. Dans un swahili fluide, qu’il entretient malgré la distance avec son Kivu natal, il répond à nos questions. 

Interview découverte ! 

Photo : Utah Valley University Athletics

Jojea, Montréal a fini deuxième au classement de la Conférence Est, et troisième sur la saison régulière. Disputer les Play-Offs pour sa première saison en pro, ce n’est pas donné à tout le monde…

Ah oui, c’est une grande joie ! Surtout que l’équipe a trop bossé cette année pour arriver à ce niveau. Mais il faut toujours continuer à fournir des efforts, ce n’est que le début.

On va te présenter un peu… tu es né à Bukavu, mais tu es parti pour les États-Unis à un neuf ans. Tu as des souvenirs de ta ville natale ?

Oui, j’ai quand même des souvenirs d’enfance assez précis. J’ai beau avoir passé tout ce temps loin de Bukavu, mais ça restera chez moi. J’aimerais beaucoup y rentrer, et revoir ma famille, qui est restée là-bas.

Tu as été drafté par Montréal en janvier dernier, explique-nous comment tu as ressenti ce moment ?

C’était incroyable… surtout que ne m’y attendais pas forcément, car ici on attend toujours la fin de l’année scolaire pour être appelé (en Amérique du Nord, les meilleurs joueurs universitaires sont sélectionnés chaque année par une équipe de MLS, ndlr). Je comptais être appelé, mais à ma grande surprise je me suis trouvé 15ème sur tout le pays ! C’était fantastique… Jouer au foot professionnel me permet d’améliorer les conditions de vie de ma famille.

En grandissant dans l’Utah, le foot a incarné toute mon enfance, même si ce n’est pas le sport le plus populaire là-bas (rires), je n’ai jamais lâché cette passion.

Tu as déjà disputé 10 matchs à l’heure actuelle pour ta première saison en pro. Quelles sont tes ambitions pour la saison prochaine ?

Pour sa première saison en pro, Jojea a disputé 11 matchs de MLS (1 assist). Photo : Le Soleil

Continuer à travailler dur pour poursuivre mon adaptation, car le niveau et la mentalité de la MLS sont très différents du foot universitaire. Je vais donc fournir encore plus d’efforts dans ce sens, et tenter de jouer encore plus de matchs.

Comment tu décrirais ton style de jeu ?

Mon jeu est basé sur l’explosivité, la vitesse et l’agilité. J’ai un bon pied gauche et je sais aussi faire des passes décisives. S’il faut marquer, je peux aussi ! Pour ce qui est de mon poste, je suis milieu excentré, initialement numéro 8, mais je peux jouer sur les deux côtés,  milieu relayeur, et 10 aussi. Je suis polyvalent, et je m’adapte !

Qui est ton joueur préféré ?

Il y en a pas mal (rires)… mais je dirais Sadio Mané, pour sa modestie et le fait qu’il n’oublie jamais d’où il vienne, malgré son statut actuel.

Cette saison, tu as eu des problèmes de visa qui ont retardé tes débuts et t’ont privé de certains matchs… c’est réglé maintenant ?

Oui, mon passeport n’était pas à jour, j’avais uniquement une Green Card (document permettant un séjour prolongé aux États-Unis, ndlr). Je ne pouvais donc disputer que les matchs à domicile. Mais ma situation est désormais réglée. Je peux désormais jouer partout.

Même si tu es parti tôt, tu entretiens encore des liens avec le Congo et sa culture ?

Bien sûr, à commencer par la nourriture ! Je préfère la nourriture de chez moi. Fufu, viande, haricots… je ne peux pas oublier d’où je viens. J’ai encore une grande famille là-bas. Je suis en contact avec ma famille et quelques amis, ce qui me permet d’entretenir le Swahili.

Tu suis l’équipe nationale ? Qui est ton joueur Congolais préféré ?

Oui, je les suis sur les réseaux sociaux surtout. Si je poursuis ma progression, l’équipe nationale deviendra un objectif. Et mon joueur préféré est Cédric Bakambu.

Tu es originaire de l’Est, une région magnifique, mais ternie par des problèmes sociaux et politiques. Si tu rencontrais un jeune de Bukavu, qui aimerait suivre le même chemin que toi, quels conseils pourrais-tu lui donner ?

Je lui dirai de travailler très dur dans le domaine qu’il aime. C’est en travaillant qu’on gagne. On peut avoir tout les dons et talents possible, mais l’essentiel est de ne jamais oublier pourquoi on le fait.

Merci Jojea !

Merci à vous, et je remercie également du fond de mon coeur tous les Congolais qui m’ont suivi et qui m’encouragent. Un jour, je ferai plaisir à mon pays et je vous rendrai fiers.

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