Paul José Mpoku a-t-il été libéré par la FIFA ? Où en est le dossier de Remy Mulumba ? S’il dit oui à la RDC, Bénik Afobé peut-il déjà jouer avec les léopards en mars ? Ce sont là tant de questions que les supporters congolais se posent au sujet du changement de nationalité sportive de nos bi-nationaux congolais. Que dit la loi FIFA à ce sujet ? Qui peut être éligible à un changement de nationalité et quelle est la procédure exacte pour effectuer cette démarche ? C’est pour répondre à toutes ces questions que leopardsfoot a voulu à travers ce dossier, apporter quelques éléments de réponse sur cette procédure qui demeure encore un peu floue, dans les esprits de certains supporters.
Que dit la loi FIFA sur le changement de nationalité sportive et qui peut être éligible à ce changement ?
Depuis le congrès extraordinaire de la FIFA du mois d’Octobre 2003 à Doha au Qatar, il a été décidé que la nationalité d’un joueur, ne déterminerait plus la sélection nationale dans laquelle il peut évoluer. Un joueur qui possède deux nationalités, peut depuis cette date, choisir de concourir pour l’une ou l’autre sélection du pays dont il est le ressortissant, à condition qu’il n’ait pas déjà été aligné dans un match international officiel de la sélection A de ce pays. Ceci conformément à l’article 18 aliéna 1 des statuts de la FIFA, tel qu’il avait été adopté en 2003.
Article 18 alinéa 1 de 2003 : « Si un joueur possède plusieurs nationalités, en reçoit une nouvelle ou est autorisé à jouer pour plusieurs équipes représentatives en raison de sa nationalité, il peut, jusqu’à ses 21 ans révolu et qu’une seule fois, obtenir le droit de jouer en match international pour une autre association dont il a la nationalité…»
Ainsi, depuis le 1er janvier 2004, date à laquelle ces nouveaux statuts étaient entrés en vigueur, les binationaux pouvaient jusqu’à leur 21 ans, choisir leur sélection nationale quand bien même ils avaient auparavant évolué dans une sélection de jeunes de l’une où de l’autre sélection.
Ce fut le cas d’ailleurs de Francileudo Santos, ce brésilien de Sochaux qui fut un des premiers à bénéficier de cette loi en Afrique en décidant de jouer pour la Tunisie lors de la CAN 2004.
Toute fois depuis le congrès extraordinaire de 2009 à Nassau, la FIFA a apporté un amendement considérable à cette article 18, en faisant sauter la limite d’âge permettant ainsi à tous joueurs aujourd’hui, et ceci quelque soit son âge, d’opter pour l’une ou l’autre sélection, tant qu’il n’a pas encore disputé de matchs officiels avec la sélection A de ce pays.
Article 18 alinéa 1 de 2009 : Si un joueur possède plusieurs nationalités, en reçoit une nouvelle ou est autorisé à jouer pour plusieurs équipes représentatives en raison de sa nationalité, il peut, une seule fois, obtenir le droit de jouer en match international pour une autre association dont il a la nationalité, conformément aux conditions énumérées ci-après :
– le joueur n’a pas encore disputé de match international A (intégralement ou partiellement) dans le cadre d’une compétition officielle pour l’association dont il relève jusqu’au moment de la demande…
C’est donc grâce à ce nouvel amendement par exemple, que Youssouf Mulumbu, Distel Zola, Chris Mavinga ou encore Neskens Kebano, ont pu opter pour la RDC après leur 21 ans et ceci malgré le fait qu’il avaient déjà évoluer avec la France en équipe jeune.
L’introduction des « liens évidents » pour éviter les abus
Si cette nouvelle loi a permis à de nombreux joueurs bloqués par une première sélection, d’opter pour un second choix, elle a aussi permis de nombreux abus avec la naturalisation en masse de joueurs n’ayant parfois aucun lien de filiation avec le pays pour lequel ils choisissent de jouer. C’est donc pour mettre fin à ces abus que la FIFA a fait voter de nouvelles dispositions obligeants les joueurs à remplir certaines conditions suivant l’article 17 des mêmes statuts :
Article 17 : « Tout joueur voulant prétendre à une nouvelle nationalité et qui n’a pas disputé de match international [dans une compétition officielle de toute catégorie] avec une équipe [nationale] est autorisé à jouer pour une autre équipe [nationale], à condition qu’il réponde à l’une des conditions suivantes :
(a) Il est né sur le territoire de l’équipe concernée
(B) Sa mère ou son père biologique est né(e) sur le territoire de l’équipe concernée
(c) Sa grand-mère ou son grand-père biologique est né(e) sur le territoire de l’équipe concernée
(d) Il a vécu pendant au moins cinq ans après avoir atteint l’âge de 18 ans sur le territoire de l’équipe concernée. »
Aujourd’hui, grâce à cet article 17 de la FIFA des joueurs comme Marcel Tisserand, Abel Tamata ou tout autre joueur ayant un parent ou grand parent congolais, peuvent désormais prétendre à un changement de nationalité sportive à travers une procédure dont les grandes lignes sont décrites ci-dessous !
Quels sont les démarches à effectuer pour le changement de nationalité sportive ?
La procédure de changement de nationalité sportive est une procédure assez simple qui demande l’intervention de 4 parties. Le joueur demandeur du changement de nationalité, la fédération accueillante, la fédération qu’il quitte et enfin la FIFA.
La démarche commence par le joueur sollicitant le changement de nationalité. Il doit :
1 – Adresser un courrier à la nouvelle fédération d’accueil, l’informant de son intention de changer de nationalité sportive. (Cette procédure ne se fait pas par une simple discussion entre le joueur et un membre d’une fédération ou quiconque ayant une relation avec la fédération ou le staff technique, il faut une lettre ! En gros, ce n’est pas parce que vous lisez quelque part sur facebook que Afobé a dit oui à Ibenge que demain, il sera qualifié pour jouer avec les léopards )
A la réception de ce courrier, la fédération d’accueil, SI ELLE ACCEPTE d’aller dans le sens du joueur, elle prend contact avec ce dernier pour l’accompagner dans sa procédure de changement de nationalité avec une seconde étape qui consiste à :
2 – Établir, conformément aux lois en vigueur du pays d’accueil, des preuves évidentes de lien de filiation entre le joueur et le pays concerné. Ca peut être :
a) L’établissement d’un acte de naissance, un passeport, ou un certificat de nationalité, prouvant que le joueur est bien né dans le pays d’accueil, ou qu’il dispose déjà de la nationalité du pays choisi.
b) l’établissement d’une preuve que son père biologique ou sa mère biologique est né sur le territoire du pays concerné
c) l’établissement d’une preuve que la Grande mère ou le Grand père biologique du joueur est né sur le territoire du pays concerné
d) prouver que le joueur a vécu au moins 5 ans après avoir atteint sa majorité sur le territoire du pays concerné
L’une ou l’autre de ces preuves établies, une troisième étape consiste à envoyer une lettre de demande de libération à la fédération quittée. Cette demande manuscrite de libération, le joueur doit lui-même l’écrire et l’adresser à son ancienne fédération en déclinant son identité avec le récapitulatif de toutes les rencontres internationales qu’il a eu à disputer avec les sélections de cette fédération quittée. Vous comprendrez ici que si le joueur n’a jamais joué pour une sélection A, il peut en toute liberté choisir la sélection B sans avoir à demander cette lettre de libération.
Dans le cas contraire, en retour de cette demande, la fédération quittée, retourne au demandeur, une lettre dans laquelle elle confirme prendre acte de la décision du joueur. Dans sa lettre, la fédération quittée doit obligatoirement mentionner que le joueur qui sollicite le changement, n’a jamais joué pour la sélection A de cette fédération quittée. Sans quoi la demande est rejetée par la FIFA.
Avec cette lettre libératoire, la fédération d’accueil et le joueur, s’engagent alors dans une troisième et dernière étape qui consiste à envoyer le dossier final à la FIFA. Ce dossier doit impérativement contenir :
3 – Constitution et envoie du dossier final à la FIFA avec :
- L’identité et l’acte de naissance du joueur
- Les liens évidents de filiation avec le pays d’accueil et tous documents utiles pouvant prouver le lien entre le joueur et le pays d’accueil.
- Une demande manuscrite et motivée du joueur demandant le changement de nationalité. Cette demande doit porter OBLIGATOIREMENT la mention que le joueur prend conscience du caractère définitif et irrévocable de cette décision. Sans cette mention, le dossier est rejeté !
- La demande de changement de nationalité adressée à la fédération quittée
- La réponse de la fédération quitté, c’est à dire la lettre libératoire
Une fois ce dossier reçu par la FIFA, il est traité par le juge unique de la commission du statut des joueurs, qui délibère sur base du règlement et des documents reçus.
Si la réponse de la FIFA est positive, une lettre de confirmation (la fameuse) est alors adressée au joueur, à la fédération d’accueil et à la fédération quittée.
Les possibles points de blocage
Avec l’intervention de plusieurs entités dans cette procédure, vous comprendrez maintenant que le changement de nationalité sportive est une procédure qui peut être plus ou moins longue en fonction de la vitesse d’avancement de chacune des entités. Des différents points de blocages peuvent donc apparaître à plusieurs niveaux. D’abord au niveau du joueur qui peux tarder à initier la procédure ou à fournir les documents demandés. Le blocage peut aussi venir de la fédération d’accueil qui peut trainer dans l’accompagnement du joueur. Le blocage peut également être du à la fédération quittée, qui peut, pour des raisons qu’on peut comprendre, tarder à retourner la lettre libératoire du joueur. Enfin, au niveau de la FIFA, une fois le dossier reçu, elle peut aussi rejeter la demande si elle n’est pas conforme à la procédure. Documents manquants, absence dans les différentes lettres, des termes spécifiés plus haut. Si tel est le cas, le dossier est à refaire ou à compléter ce qui entraîne des délais supplémentaires !
Enfin il faut préciser que quand bien même, la FIFA valide le changement de nationalité d’un joueur, ce dernier n’est qualifié pur une compétition officielle avec sa nouvelle sélection qu’à partir du moment ou ce dernier dispose du passeport (service ou ordinaire) de son nouveau pays. Sans cela, l’équipe qui aligne un joueur qui ne présente pas un passeport du dit pays, risque d’être disqualifiée. C’est pour cette raison, qu’en avale de la procédure du changement de nationalité de Mpoku et Mulumba par exemple, ces derniers s’étaient rendu à Kinshasa pour établir leur preuve de filiation et obtenir leur passeport congolais en attendant le déroulement de la suite de la procédure.
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