Dark Kabangu : « nos dirigeants sont de très mauvaise foi »

Par Muko
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Loin des yeux, près du coeur !

Actuellement à Al-Ahli Benghazi (Libye), Dark Kabangu a accepté de s’exprimer, alors que l’incertitude plane toujours sur la reprise de la Linafoot. L’ancien attaquant du Daring revient sur la crise rencontrée par son club de coeur, et plus généralement celle qui frappe le football congolais. Entre mentalité des joueurs et irresponsabilité des dirigeants, tout le monde en prend pour son grade.

Interview sans langue de bois !

Dark, après la Hongrie, l’Arménie et le Maroc, la Libye est le quatrième pays dans lequel tu évolues hors de la RDC. Qu’est-ce que ces expériences t’ont apporté ?

Sportivement , elles m’ont aguerri au niveau du mental. Ce sont des pays où les peuples ne sont pas toujours faciles a vivre ! J’ai donc travaillé mon adaptabilité, et j’ai eu l’occasion d’évoluer avec un grand nombre d’entraîneurs. J’ai gardé contact avec certains d’entre eux et je pourrai toujours avoir besoin d’eux durant ma reconversion, une fois ma carrière achevée. Et humainement, ces voyages m’ont permis de découvrir d’autres cultures.

Duquel tires-tu la meilleure expérience ?

La Hongrie ! Budapest Honvéd était le premier club à me signer pro. J’y ai découvert les exigences du football professionnel et j’ai compris beaucoup de choses.

Et la moins bonne ?

Le Maroc (Raja Casablanca, ndlr). Quand je suis arrivé, il y avait énormément de clans dans le vestiaire. Des problèmes au niveau de la direction, des supporters, j’ai eu 4 entraîneurs en moins de 6 mois… bref je n’ai pas su m’adapter à ce contexte.

Aujourd’hui, tu as 29 ans. Comment envisages-tu la suite de ta carrière ?

Je pense au Golfe. Et pourquoi pas les plus grands clubs africains ! J’ambitionne encore de gagner des titres et de sortir par la grande porte.

La Libye en général, et la ville de Benghazi en particulier, sont connus pour être très instables politiquement. Ça a un impact sur l’organisation du championnat?

Moi-même, avant de signer ici, j’avais peur ! Benghazi a certes été ravagé par la guerre. Mais c’est terminé depuis un moment ici. Tout est calme, le championnat a repris tranquillement même si le public n’est pas toujours autorisé. Les clubs étrangers viennent jouer sans problème ici. Je me sens tout a fait en sécurité.

Au niveau du championnat, l’organisation est correcte, pas aussi optimale qu’au Maroc, mais c’est normal vu ce que le pays a subi. En revanche, ils sont très en avance par rapport à la Linafoot ! Tous les stades sont prêts à accueillir les rencontres, on joue 4 matchs par mois et le format du championnat a été pensé pour qu’il puisse se dérouler sans encombre. Il y a deux conférences, Est et Ouest, avec 10 équipes chacune. Une fois les championnats régionaux terminés,  des Play-Offs ont lieu pour déterminer le vainqueur et le classement final. Vers fin juin/début juillet, le championnat est terminé ! Le tout dans un pays qui était ravagé par la guerre il y a encore quelques années.

Pour moi, c’est clairement la preuve qu’il n’y a aucune excuse en RDC pour ne pas mieux faire les choses. Nos dirigeants sont juste de très mauvaise foi. Ici, malgré la guerre, le championnat suit son cours. C’est honteux que la Linafoot ne puisse pas faire pareil.

Selon toi, faudrait-il revenir à cette formule régionale en RDC ?

Oui, ça serait bien mieux. Déjà rien qu’en raison du manque d’avions.

C’est compliqué pour pouvoir faire les voyages dans les quatre coins du Congo. Avec une formule régionale, tu peux te déplacer plus facilement. Et à la fin, on joue un Play-Off pour désigner le champion de la Ligue et savoir qui part en Ligue des champions, et en CAF et tout ça. Et puis, au temps où il y avait les tournois régionaux, il y avait plus d’engouement dans le stade.

Il y a quelques années, le championnat congolais était considéré comme l’un des meilleurs d’Afrique. Mais aujourd’hui, les clubs n’arrivent plus à passer les poules des Coupes continentales. Pourquoi, selon toi ?

Parce qu’à l’époque, on avait des joueurs qui avaient de la personnalité et un mental fort. La génération Trésor Mputu etc… Et le système d’accession vers la Linafoot était déjà mieux organisé qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, un joueur qui joue en troisième division, peut accéder à la Linafoot par piston. Tu peux être branché quelque part par un ami de ton père ou un truc comme ça… c’est incroyable.

À propos de mental, j’ai un exemple qui me vient en tête : Chancel Mbemba. Les gens ne savent pas à quel point le gars s’est formé, et a eu un mental de fer. Il a commencé dans des petits clubs, il est passé par MK. Nous qui l’avons connu, on sait à quel point il s’est formé mentalement, et on est fiers de lui. C’est cette dimension mentale qui manque à beaucoup de joueurs.

Aujourd’hui, il y a pas de de préparateur psychologique dans nos clubs. Et je te dirais que plus de 90% des joueurs congolais sont encore dans les affaires de « superstition ».  On est quand même en 2023…

Et puis, avec les nouvelles technologies, il y a des entraînements spécifiques, des nouvelles tactiques qui se mettent en place dans le monde du foot. Tout est en train d’être mis à jour… sauf  au Congo. Même une rencontre DCMP-Vita, si tu tapes sur Google ou Transfermarkt tu ne trouveras rien. La Tanzanie, la Libye… n’ont pas plus de talent qu’au Congo. Mais leur championnat est un minimum organisé.

En plus de la responsabilité des joueurs, la mauvaise gestion est la cause principale…

Oui, je pense que tout ça est aussi dû au mauvais encadrement. On ne cherche pas à former des sportifs. On oublie le côté valeurs, éducation. Alors qu’un athlète doit connaître précisément les exigences mentales du monde professionnel. Beaucoup de jeunes Congolais aujourd’hui sont bourrés de talent mais ils manquent de personnalité. Mais en vérité, tout part d’en haut. Je pense que tout ça est basé sur la mauvaise formation. On a des dirigeants de très mauvaise foi.

Les présidents de nos clubs ont fait leur cercle de politiciens. Ce poste est pour eux une façon d’augmenter leur notoriété et nourrir leurs ambitions politiques. De bien se faire voir et profiter de l’engouement autour d’un club pour obtenir un poste de gouverneur, Ministre… Le DCMP, ce sont les politiques qui ont détruit ce club. On achète des joueurs étrangers tout en négligeant les jeunes du pays. Et au final pour qu’on parte tous libre ! Comme ça a été le cas au Daring avec Amale, Bongonga, Kimvuidi, Likuta et moi-même. Le club n’a pas gagné le moindre franc sur nous… tout ça a cause de la mal-gérance (sic) !

De manière générale, il faire un recyclage de nos dirigeants. Dans tous les bureaux ! Ramener des gens compétents qui connaissent le boulot, et amènent une nouvelle énergie. Des gens qui connaissent l’extérieur, qui voient comment ça fonctionne ailleurs.

Tu as une anecdote concrète à nous raconter qui illustre le retard congolais dans le domaine ? 

Je vais te donner une anecdote simple. Il y a un temps au DCMP, on venait à l’entraînement pour juste prendre les 10 000 francs de transport. Imagine un peu… j’ai remarqué ça chez beaucoup de joueurs. Il ne viennent pas à l’entraînement pour apprendre, mais pour terminer rapidement et prendre les 10 000 de transport. Parce que les conditions dans lesquelles on les met sont déplorables. Comment tu veux progresser dans ce contexte ?

ll y a eu des périodes aussi ou tu peux rester jusqu’à six mois en étant impayé. Au Congo, on oublie que le football est mental avant d’être physique. Parce que quand moralement, mentalement, tu ne peux pas bien jouer si tu n’es pas prêt. Il y a des présidents qui ne payent pas les joueurs. Les joueurs doivent venir quémander un 100 dollars au président… et parfois il ne répond même pas. Comment est-ce que tu peux venir aux entraînements et être à 100%, attaquer un match ou représenter valablement le pays en compétitions africaines dans ces conditions ? Voilà le genre de situation auquel le joueur congolais fait face.

Merci pour tes réponses, Dark ! 

Merci à vous de suivre les joueurs partout dans le monde et de ne négliger personne. Je vous encourage car il y a beaucoup de talents Congolais. Au pays et partout dans le monde. Je vous suis depuis que la page est née. Force à vous, on est ensemble !

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