CHAN 2022: Les coulisses d’un échec prévisible !

Par Destin Makaya
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Éliminés dès le premier tour avec deux points, aucun but marqué et surtout une dernière place dans le groupe B, les Léopards A’ de la RDC sont passés à côté de leur Championnat d’Afrique des Nations 2022.
Une contre-performance qui n’est donc pas une surprise au vue des problèmes qui rongent actuellement le football local en RDC :

 

• Un championnat national désorganisé et en manque de compétitivité

 

Cela n’est plus un secret ! Depuis plusieurs années, la LINAFOOT brille par sa difficulté à organiser les matchs de son championnat. Plusieurs clubs se plaignent régulièrement du fait de passer de nombreuses semaines voire des mois entiers sans disputer la moindre rencontre officielle en championnat. 

Cette désorganisation nuit sans doute au bon déroulement du championnat et a des répercussions sur la forme physique et  la compétitivité des joueurs.

En parlant de condition physique, le sélectionneur Otis Ngoma a fait le même constat lors de sa conférence de presse, à l’issue de la rencontre perdue 3-0 face au Sénégal : 

«  J’ai amené ici des joueurs que nous considérons comme les meilleurs, mais nous avons maintenant réalisé qu’ils n’ont pas pu tenir leurs promesses………malheureusement nous avions des joueurs à la traîne physiquement. Je répète que j’assume la responsabilité de mes choix », a-t-il déclaré au micro de la CAF.

En effet, durant la compétition, nous avons vu des joueurs congolais à la limite physiquement, tactiquement et surtout techniquement par rapport à leurs adversaires.


• Une préparation très mouvementée

 

La préparation de l’équipe nationale pour le CHAN n’a pas été tranquille. D’abord sur le plan administratif, on avait un sélectionneur sans contrat et des joueurs qui n’avaient pas encore perçu leurs primes. Ces derniers étaient même prêts à boycotter le début du championnat, n’eut été  l’intervention tardive du gouvernement.

En octobre dernier, et en accord avec Sébastien Desabre, la FECOFA avait décidé d’annuler le stage de l’équipe première qui devrait se tenir en Turquie au mois de novembre. Cette décision a été motivée par le choix d’orienter ce stage au bénéfice de l’équipe locale afin de la  préparer pour le CHAN 2022.

« En novembre nous aurons un stage CHAN en Turquie, puisqu’il sera impossible d’avoir tous les joueurs de l’équipe A. Ensemble avec Otis Ngoma, nous allons juger le niveau de nos joueurs, tout en les préparant pour le CHAN » avait annoncé le sélectionneur des Léopards A. 

Cependant, la suite va virer au théâtre. Initialement d’accord avec le Niger et la Gambie pour la tenue des matchs amicaux  contre l’équipe A durant la période dudit stage, la FECOFA a commis l’imprudence de ne pas informer ses adversaires de son choix de finalement envoyer sa sélection locale en Turquie.

Déçus et surpris par changement, les deux nations vont annuler les deux matchs programmés face à la RDC, car ils ne  souhaitaient qu’affronter l’équipe A et non les  A’.

Dos au mur, l’instance congolaise de football a donc décidé d’organiser un autre rassemblement de substitution, cette fois-ci à Brazzaville et à Kinshasa. Pour l’occasion, une double confrontation a même été annoncée face aux Diables rouges du Congo voisin.  

Cependant, après trois jours de rassemblement, la même organisation interrompt le stage et demande aux joueurs de regagner leurs clubs respectifs suite à l’indisponibilité de l’adversaire.

« La FECOFA vient d’annuler le deuxième stage prévu à Brazzaville au Congo et à Kinshasa en RD Congo suite à l’indisponibilité des joueurs des Diables Rouges A’. Le président Donatien Tshimanga, accompagné du Vice-président Jean-Didier Masamba et du Secrétaire Général de la Fecofa, vient d’annoncer la nouvelle aux vingt-six joueurs de Léopards A’ de la RDC, présents au siège de la fédération », peut-on lire sur le compte Facebook de la fédération.


Une série de couacs qui ont certainement plombé le moral des joueurs et chamboulé le programme du staff technique qui comptait fortement sur ce stage pour évaluer les athlètes, comme évoqué précédemment.


• Un football local en perte de vitesse

 

Pourtant composée des joueurs expérimentés à l’instar de Djos Issama Mpeko, Patou Ebunga, Jean-Marc Makusu, Mika Miche, Kevin Mondeko ou encore Peter Ikoyo, les Léopards n’ont pas été au rendez-vous. 

La qualité de jeu proposée par l’équipe était loin de celle qu’on a vécu lors des éditions précédentes.
Outre les insuffisances organisationnelles et logistiques citées ci-dessus, on peut également  se questionner sur le niveau actuel des joueurs évoluant au pays.

Après le CHAN, Otis Ngoma a également fait un bilan sur le niveau de nos joueurs: 

« En arrivant ici ( en Algérie, ndlr), j’ai  vu qu’il y avait une différence au niveau de la valeur intrinsèque des joueurs. On s’est retrouvé face à des garçons qui étaient beaucoup plus physiques que nous, qui avaient plus de justesse et surtout un bagage technique plus élevé que le nôtre », a-t-il déclaré en conférence de presse. 

Réputée d’être parmi les meilleures nations africaines en ce qui concerne le football local, la RDC est en chute libre depuis plusieurs années maintenant. 

En effet, les deux dernières éditions du CHAN n’ont également pas souri aux congolais. Une non participation au CHAN 2018 et une élimination en quarts de finale en 2021 au Cameroun. 

De plus, les résultats récents des clubs congolais dans les compétitions interclubs de la CAF sont de plus en plus insuffisants. L’exemple du TP Mazembe, plus grand fournisseur de l’équipe nationale locale, qui n’arrive plus à rivaliser avec les grandes écuries africaines. Cette saison, les Corbeaux ont même été éliminés par une modeste équipe ougandaise, le Vipers SC. Le constat n’est pas non plus flatteur chez les autres habitués tels que l’AS Vita Club et le DCMP.  


• La fuite des talents vers d’autres championnats africains

 

Ce qui faisait la force du football local congolais, c’était sa capacité à conserver ses meilleurs éléments au pays. Malheureusement, ces dernières années ont vu plusieurs jeunes congolais quitter la LINAFOOT pour la Tanzanie, l’Angola, le Maroc, l’Afrique du Sud ou encore le Soudan.

Par exemple, parmi les joueurs qui ont disputé le dernier CHAN au Cameroun,  onze ont signé dans les nations citées précédemment :

– Glody Lilepo Makabi au Al Hilal du Soudan
– Djuma Shabani aux Young Africans
– Fiston Kalala Mayele aux Young Africans
– Henock Inonga Baka au Simba SC
– Nathan Idumba Fasika au Cape Town City FC
– Ciel Ebengo au Nchanga Rangers de la Zambie
– Dark Kabangu au Raja CA puis au Al Ahly Benghazi
– Jean Baleke au Simba SC
– Karim Kimvuidi au Maritzburg United
– William Likuta au Stellenbosch FC
– Chico Ushindi prêté aux Young Africans ( actuellement de retour à Don Bosco).

En effet, cet exode est dû à plusieurs paramètres tels que le manque d’infrastructures, l’amateurisme et à une mauvaise gestion du championnat qui ne permettent pas aux joueurs de bien s’épanouir durant leur carrière.

À ceux-là, s’ajoutent également les faibles ressources financières proposées aux joueurs congolais évoluant dans le championnat local. 

Interviewé par notre rédaction, Fiston Kalala Mayele (Young Africans), nous a fait une comparaison entre la Ligue 1 congolaise et la Premier League tanzanienne : 

« La différence se situe au niveau de l’organisation et des moyens financiers. En Tanzanie, il y a beaucoup de sponsors », a-t-il déclaré.

De manière générale, que ce soit chez les jeunes, les seniors et les féminines, le football congolais souffre depuis plusieurs années. Au lieu de toujours chercher à identifier des boucs émissaires, de se rejeter la faute les uns sur les autres, il est temps de se poser les bonnes questions et de trouver les solutions nécessaires pour se relancer.



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