Aaron Wan-Bissaka : opportuniste en puissance… ou atout décisif ?

Par Muko
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Le suspense prend fin. Il est « maîtrisable ».

Après avoir joué au chat et à la souris pendant des années, Aaron Wan-Bissaka est désormais un léopard. Le latéral de West Ham a rejoint la tanière ce matin à Juba, afin d’y affronter le Soudan du Sud ce vendredi, puis le Sénégal à Kinshasa mardi prochain. Désormais éligible, l’ancien joueur de Manchester United va représenter, à 27 ans, une RDC en pleine course pour le mondial.

Ce n’est pas la première fois qu’Aaron Wan-Bissaka portera la vareuse des Léopards…

Une arrivée tardive…

Vous l’aurez compris : on ne parle pas de son vol Ethiopian Airlines qui a atteri à Juba ce mercredi à 9h50 heure locale. Mais d’un choix qui aura pris une décennie à s’officialiser.

AWB et l’Angleterre : entre espoirs…

En effet, celui qui évoluait alors comme attaquant au sein de la réserve de Crystal Palace acceptait, dès 2015 de porter les couleurs de la RDC en sélection U18. Mais la fameuse gifle subie contre l’Angleterre (0-8), ainsi que le manque de continuité et d’organisation dans le football de jeunes congolais l’ont vite dissuadé d’enchaîner.

Trois ans et quelques ajustements (il est passé d’attaquant à latéral droit) plus tard, le natif de Londres fait ses débuts en Premier League avec son club formateur. Dès sa première saison, il détonne par sa rapidité, la précision de ses tacles et son énergie à toute épreuve. La saison suivante, il a gagné sa place de titulaire, et s’impose comme la révélation des Eagles en 2018-2019.

La RDC va alors s’intéresser à nouveau à lui. Mais trop tard… l’Angleterre U20 a déjà mis le grappin sur lui.

Mais son histoire avec les Three Lions est déjà, et restera, tumultueuse. Dès sa première sélection avec les U18, en mars 2018, il est exclu face à la Pologne (1-0). L’année suivante, alors qu’il dispute l’Euro Espoirs, il n’effectue qu’une apparition au cours du tournoi, face à la France. Titularisé, il marque… contre son camp, pour une défaite 2-1 des jeunes anglais.


et désillusions…

L’année suivante, Florent Ibenge décide de tenter sa chance pour celui qui est alors qu’il est cité parmi les meilleurs latéraux droit de Premier League. Mais « coach Android » se heurte à un mur : « Je ne le convoquerai pas sans lui avoir parlé au préalable. Je l’ai appelé il y a un mois et il ne m’a pas répondu »déclarait-il à The Independent. « ll faut qu’il ait envie d’accepter l’invitation et de jouer pour l’équipe, comme Yannick Bolasie avant lui ».

Et pour cause : le joueur ne rêve QUE des Three Lions. « L’objectif, c’est l’Angleterre. Je suis heureux de jouer pour l’Angleterre, donc je vais continuer de la représenter. » En août 2019, son rêve est réalisé : Gareth Southgate le convoque pour la première fois, pour un match de qualification à l’Euro 2020 face au Kosovo. La RDC pense alors faire une croix définitive sur celui qui est nouvellement surnommé « Spider » (l’araignée en Français) pour ses longues jambes et sa capacité à effectuer des tacles spectaculaires.

Mais rien ne se passe comme prévu : blessé, le latéral doit renoncer au match… et à sa chance en équipe d’Angleterre. Car en dépit de bonnes performances et d’un transfert à Manchester United, il ne sera jamais rappelé. La faute à une énorme concurrence (Kyle Walker, Trent Alexander-Arnold, Kieran Trippier et enfin Reece James) présentent des profils qui plaisent davantage à Southgate et son 3-5-2. Sa carrière à Wembley est donc terminée avant même qu’elle n’ait commencé.

« Comité de freinage » rigoleront certains. Et si c’était simplement un signe du destin ?

Léopard à 27 ans : opportunisme…

Avec la déculottée reçue en U18 face à l’Angleterre, AWB n’a – sans doute – pas gardé un grand souvenir de ses débuts avec la RDC. Cette humiliation, combinée au manque d’organisation alors notoire de la sélection congolaise et une cote personnelle qui grimpait, l’ont poussé à reléguer la sélection au second plan pendant des années.

Pour attirer « l’araignée » dans ses filets, la FECOFA n’a pas manqué d’imagination. Les ex-capitaines Trésor LuaLua et Gabriel Zakuani, qui ont – comme lui – grandi en Angleterre, ont par exemple été déployés par l’instance pour convaincre le joueur. Rien n’y fera. Il restera fidèle pendant des années à son objectif de jouer pour l’Angleterre… jusqu’en 2025.

Ses détracteurs ont donc un point : le joueur ne rallie la RDC qu’à 27 ans, alors qu’il évolue dans un club aux résultats irréguliers (14ème la saison dernière). Sa cote n’est plus ce qu’elle était à Manchester United, et il rejoint une sélection déjà qualifiée pour la CAN, en course pour participer à la Coupe du Monde. Pas l’image que l’on aime se faire des binationaux, surtout à l’heure ou un Noah Sadiki ou un Ngal’ayel Mukau optent pour le pays avant leurs 20 ans.

…ou confiance retrouvée ?

Pourtant, le joueur n’a jamais caché son attachement à la terre de ses ancêtres. On se rappelle que, pendant la pandémie de COVID, il avait fait un don massif de gants médicaux à la RDC. Ou encore, de son projet d’académie à Kinshasa, qu’il annonçait en 2023. Et c’est lors de son dernier passage dans la capitale, en 2024, qu’il aurait entériné sa décision de représenter les Léopards.

Le « timing » de son arrivée en sélection n’en demeure pas moins critiquable. Mais il est également un signe de l’attractivité croissante de la sélection A, dont les conditions hors-terrain se sont beaucoup améliorées. Et surtout, un signal fort envoyé aux jeunes binationaux hésitants.

Heureusement pour lui, les supporters Congolais ne sont pas toujours rancuniers. S’il mouille le maillot, réalise les mêmes tacles qu’en Premier League, et musèle Sadio Mané mardi prochain, il y a fort à parier que ces antécédents seront vite pardonnés. Voire totalement oubliés si la RDC va en Coupe du Monde…

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