"Deux poids, deux mesures ...
Se reportant à un rapport du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha), le porte-parole adjoint de l’Onu, Farhan Haq, a, mardi 28 janvier, tiré la sonnette d’alarme sur la violence qui prévaut au Nord Katanga particulièrement à Manono, Pweto et Mitwaba. Les observateurs sont stupéfaits par l’impuissance qu’affichent les pouvoirs publics face aux fauteurs des troubles dans cette partie du pays. D’aucuns n’hésitent pas à parler de deux poids, deux mesures. Dans les autres provinces, le pouvoir recourt généralement, en pareil cas, à la force brutale. Au Katanga, on préconise le dialogue avec les notables...
Selon le porte-parole adjoint des Nations Unies, depuis le mois d’octobre dernier, plus de 700 maisons dans 20 villages ont été attaquées dans les territoires de Manono, Pweto et Mitwaba. Les conséquences sont dramatiques au plan humain. "Il y a actuellement 400 000 personnes déplacées dans la province, contre 50 000 il y a trois mois", a-t-il indiqué en se référant à un rapport du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires.
L’auteur de ces actes de banditisme est bien connu. Il s’agit du groupe milicien "Ba Kata Katanga". Dans un rapport transmis au Conseil de sécurité en date du 12 décembre 2013, des experts onusiens assurent que cette milice est désormais commandée par le tristement célèbre Kyungu Mutanga, alias "Gédéon". Inutile de rappeler que celui-ci a été "découvert" en 1999 par le président Laurent-Désiré Kabila. C’était lors du lancement des forces d’autodéfense populaires. "Gédéon" a eu à côtoyer non seulement "Joseph Kabila", alors chef d’état-major des forces terrestres, mais également John Numbi Banza Tambo et un certain "pasteur" Daniel Mulunda Ngoy Nyanga.
L’incendie des villages déplorées ci-dessus aurait pour but de "punir" les habitants auxquels les miliciens Ba Kata Katanga reprocheraient de s’être ralliés aux forces armées congolaises au cours des combats de novembre dernier.
Le porte-parole adjoint de l’Onu a annoncé, par ailleurs, que le Programme alimentaire mondial (PAM) a commencé, le 15 janvier, à distribuer de la nourriture à des personnes récemment déplacées. L’Agence onusienne se propose d’accroître son aide au mois de février. D’autres agences d’aide ont offert une assistance à plus de 20 000 personnes au nord de la province.
La main tendue au Ba Kata Katanga
Au moment où ces lignes sont écrites, le ministre de l’Intérieur, le PPRD Richard Muyej Mangez - qui est au demeurant un natif du Katanga - vient d’effectuer un long séjour dans cette région. Un séjour qui fait suite aux attaques du 30 décembre dernier successivement à Kinshasa, à Lubumbashi et à Kinshasa. Des attaques imputées, à tort ou à raison, aux adeptes du pasteur Joseph Mukungubila Mutombo.
Au cours d’un entretien, mardi 21 janvier, avec le très controversé Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale du Katanga, le ministre Muyej a félicité ce dernier "pour ses efforts dans le cadre de la sécurisation de la province". Et ce pour avoir organisé l’année dernière, "une tournée de sensibilisation pour la paix". "Grâce à cette tournée, a souligné Muyej, plusieurs éléments des mouvements rebelles maï-maï et de Bakata Katanga avaient déposé les armes et se sont rendus aux autorités de la province". Le ministre de l’Intérieur avoue de manière implicite que certains responsables politiques provinciaux entretiennent des contacts avec les fameux combattants Ba Kata Katanga.
Au chef-lieu de l’ex-Shaba, Muyej a eu des entrevues non seulement avec des chefs coutumiers - dont le Grand chef lubakat Kasongo Nyembo qui avait déclaré " en 2006 que "Joseph Kabila" est un mulubakat à 100% - mais aussi avec les responsables des différentes communautés regroupées au sein de la «Fondation Katangaise». Adepte de la méthode Coué qui consiste à croire que ce qui est dit est fait, le ministre a déclaré aux uns et autres ces mots : "Les mouvements insurrectionnels et autres groupes armés qui opèrent dans la province du Katanga commettant crimes, pillages et autres actes de barbarie contre la paisible population, doivent disparaître". Avec les membres de l’association culturelle "Buluba-i-Bukata" regroupant les Baluba du Katanga, Richard Muyej et ses interlocuteurs auraient exploré "toutes les pistes de solution susceptibles de mettre fin aux activités desdits mouvements insurrectionnels". "Le ministre Muyej a saisi cette occasion pour déclarer le soutien total de la communauté Luba du Katanga au chef de l’Etat Joseph Kabila", indique une dépêche de l’Agence congolaise de presse.
Toutes les sources au Katanga et ailleurs conviennent que le groupe maï maï Ba Kata Katanga est manipulé par certains notables luba du Katanga. Cette milice leur servirait d’"épouvantail" pour exercer du "chantage" sur un "Joseph Kabila" auquel ils reprocheraient d’avoir rompu le "cordon ombilical" avec ses "oncles" lesquels lui ont octroyé de "Mulubakat". En clair, les commanditaires des actes de terreur commis par ces combattants sont bien connus. Le pouvoir kabiliste refuse d’affronter la brutale vérité. Manque de volonté politique ou la peur de saper un des piliers du pouvoir?
Notons que le samedi 25 janvier, Gabriel Kyungu Wa Kumwanza s’est entretenu avec Stéphane Doppagne, le consul général de Belgique au Katanga. Au centre de leurs conversations, "les voies et moyens nécessaires" pour restaurer une "paix durable" dans le Nord Katanga. Kyungu a fait part à son interlocuteur les "revendications" lui transmises par ces miliciens lors de sa récente tournée dans cette partie de la région. Et de souligner que ces exigences "méritent un examen sérieux". Quelles sont ces demandes? Réintégration dans l’armée et la police et réinsertion sociale des jeunes éléments désœuvrés dans les secteurs de l’agriculture et de la pèche.
Deux poids, deux mesures...
On le voit, au Katanga, le pouvoir kabiliste déploie tout son charme pour trouver un "compromis" avec les "troublions" qui sèment la terreur au sein de la population dans la partie boréale de cette région. Question : pourquoi préfère-t-on la force chaque fois que des événements analogues se produisent dans les autres provinces particulièrement à l’ouest? Des exemples sont là : le double massacre des adeptes du Mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo. Ici, aucun membre du gouvernement national ne s’est rendu à Matadi conférer avec les notables du cru. Bilan : 300 morts et plusieurs centaines de blessés.
L’opinion congolaise a encore frais en mémoire les forces dites de sécurité lancées aux trousses du général Faustin Munene fin septembre 2010. Sans omettre, le cas du colonel John Tshibangu. Président du RCD-N, Roger Lumbala a failli être enlevé à Bujumbura par les sbires du régime. La même opinion congolaise n’a pas oublié les missions effectuées, fin 2006 et en 2007, par John Numbi Banza Tambo auprès de Laurent Nkunda Mihigo, alors que celui-ci trônait à la tête du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) dans son fief de Kitshanga. L’état-major général des FARDC était dans l’ignorance totale.
Est-il besoin de rappeler que depuis la prise du pouvoir par l’AFDL le 17 mai 1997, plusieurs centaines de militaires originaires principalement de la province de l’Equateur sont emprisonnés, sans jugement, à Makala? D’autres ont été victimes d’exécutions sommaires sous le pouvoir actuel. On se souviendra des moyens militaires déployés dans la province de l’Equateur pour «mâter» les «Enyele» dans le district du Sud Ubangi fin 2010 et en avril 2011 lors de l’attaque de l’aéroport de Mbandaka. "Joseph Kabila" s’était rendu au chef-lieu de l’Equateur où il a présidé une réunion dite de sécurité.
Fin janvier 2010, des membres de la "Jeunesse" du parti Unafec de Gabriel Kyungu wa Kumwanza passent à tabac quelques députés provinciaux. Les victimes portent plainte. Le ministre de l’Intérieur fait une descente à Lubumbashi pour exhorter les parties a trouvé une "solution à l’amiable". L’incident est clos. Aucune suite n’est donnée à la plainte. A Mbandaka, le ministre de l’Intérieur s’est empressé de "sceller" l’Assemblée suite à un conflit entre le gouverneur et les députés provinciaux. A Kinshasa, Le très kabiliste PGR Flory Kabange Numbi s’est permis, en septembre 2010,
d’interdire "jusqu’à nouvel ordre" la tenue des séances plénières à l’Assemblée provinciale kinoise. Et ce suite, à une motion de défiance initiée contre le président Roger Nsingi, un allié au pouvoir.
Depuis son avènement à la tête de l’Etat congolais, "Joseph Kabila" a fait triompher le régionalisme et le tribalisme. L’Etat est plus que jamais au service de quelques intérêts particuliers. Dans l’équipe gouvernementale dirigée par le Premier ministre Augustin Matata Ponyo, des natifs du Katanga compte huit ministres sur trente-six en violation du principe de la "représentativité nationale" (article 90 de la Constitution). Les ministères de la Justice et de l’Intérieur sont dirigés par des "katangais". Il en est de même des services de renseignements civils et militaires et de la garde présidentielle. Comment peut-on, avec autant de "moyens humains", afficher une impuissance inqualifiable face à quelques bandits armés? Devrait-on parler de mauvaise foi ou de connivence? "
Dans la brutalité employée à l'Ouest du pays, on peut citer aussi le carnage des civils non armés où plus de 100 civils, adeptes de l’église du "prophète" Joseph Mukungubila Mutombo, furent massacrés le 30 janvier 2014 à Kinshasa.
