RDC-Tunisie (2-2), décryptage d’une désillusion

Par Muko
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« On ne peut s’en prendre qu’à nous-mêmes, c’est impardonnable. A la limite, si on avait gagné 2-1… Mais 2-2, c’est une faute professionnelle. Prendre deux buts coup sur coup en moins de cinq minutes, je n’ai jamais vu ça… C’est impardonnable. » Peu de supporters Congolais seraient tentés de contredire les propos de Cédric Bakambu. L’attaquant de Villarreal et ses coéquipiers, incapables de s’imposer devant la Tunisie à Kinshasa (2-2), ont sérieusement compromis leurs chances de voir la Russie. Mais en plus du résultat final, c’est la physionomie du match qui risque de laisser d’amers regrets…

Une ambiance de folie…

Circonstances exceptionnelles pour événement exceptionnel. Débarqués à 100 000 pour combler les 80 000 places du stade des Martyrs, les Kinois ont, comme d’habitude, répondu présents pour faire honneur au drapeau national, notamment à travers leurs chers léopards. Une joie amplifiée dès l’annonce de la composition. Très critiqué pour la non-titularisation de Paul-José Mpoku et Jacques Maghoma à Tunis, Florent Ibenge lance d’entrée le milieu du Standard de Liège et celui de Birmingham. Leur touche technique avait, en effet, cruellement manqué à  l’aller. Un bémol de taille cependant : Neeskens Kebano et Marcel Tisserand sont à nouveau forfaits. Gravement blessé en décembre dernier, Yannick Bolasie est en revanche bel et bien là, mais afin d’encourager les siens pour cette confrontation d’une importance capitale. Même situation pour Elias Kachunga et Arthur Masuaku, respectivement anciens internationaux allemands et français en jeunes, en attente d’un aval de la FIFA pour enfin porter le maillot Congolais. Ça commence à faire beaucoup niveau absents… Mais un soulagement vient à nouveau vivifier les espoirs Congolais. Après avoir pris l’eau à Radès, l’axe central Zakuani-Bompunga est évincé. Le brassard de capitaine n’aura pas sauvé le premier cité, ciblé par les critiques pour sa prestation à l’aller, et plus généralement depuis la dernière CAN. Un choix fort de la part d’Ibenge, qui avait fait de Ya Gaby une pièce maîtresse de sa défense depuis deux ans. Pour combler la méforme de l’ancien joueur de Fulham et l’absence du « ministre de la défense« , Florent Ibenge fait confiance à Merveille Bope et Wilfried Moke. Une prise de risque globalement saluée par les supporters. Car si elle est expérimentale, cette charnière n’en demeure pas moins prometteuse. De par la fiabilité du premier, régulier en club comme en sélection, et le bon début de saison du second en championnat turc, qui fête d’ailleurs sa première titularisation en équipe nationale. Baptême partagé avec Glody Ngonda , sans doute jugé plus à même que Vital Nsimba à « fermer les couloirs« , une priorité pour Florent Ibenge après la déconvenue du match aller. La titularisation de l’arrière gauche de VClub, bien connu du public Kinois, au détriment du joueur formé aux Girondins de Bordeaux en surprend plus d’un. Cependant, convaincus du potentiel du latéral de 22 ans, nombreux sont les supporters satisfaits par ce choix périlleux.

… accompagnant une bonne entame.

Survoltés par l’immense ferveur de l’antre de Lingwala, les léopards s’accaparent rapidement la possession de la balle au détriment de Tunisiens prudents et disciplinés. Dépassés par la vitesse des ailiers Congolais, les Aigles de Carthage multiplient les fautes (pour en atteindre 12 en première période !) C’est donc suite à un coup-franc excentré, obtenu par Mubele et parfaitement botté par Kakuta que Chancel Mbemba vient smasher une tête dans les filets d’Aymen Mathlouthi. On joue alors la 8ème minute de jeu et les léopards ont repris la tête du groupe grâce à la la règle du but à l’extérieur. En communion avec leur public, les joueurs poussent durant toute la première période, mais peinent à faire sauter le verrou tunisien. Les Aigles de Carthage esquissent de timides réactions, sans parvenir à inquiéter Matampi, et mettant en lumière la solidité, mais également un certain manque de sérénité de l’arrière-garde Congolaise. A la mi-temps, les léopards ont cependant repris la tête du groupe.  Au retour des vestiaires, les poulains d’Ibenge parviennent à enfoncer le clou au moment opportun. A la suite d’un contre parfaitement exécuté, Paul-José Mpoku décoche une frappe à l’entrée de la surface, Mathlouthi est trompé pour la deuxième fois de la soirée. Septième but en sélection pour le joueur du Standard. Le « fimbu » est entonné. On joue alors la 48ème minute. « Le break est fait » se diront certains, « on est qualifiés » s’exclameront d’autres. Nombreux ont été les Congolais ayant déjà vu leur équipe en Russie après ce but, à commencer peut-être par les joueurs…

Le tournant du match : la blessure de Mbemba

le moment où tout a basculé…

La RDC, menant par deux buts d’écart, file vers la première place qualificative. Les « Ibenge Coachééé » retentissent, peut-être la fin d’un désamour naissant entre les supporters et « coach Androïd » dont ils ne comprenaient pas toujours les choix. Malheureusement, celui qui est à la tête de la sélection depuis désormais trois ans va donner du grain à moudre à ses détracteurs. On joue désormais la 54ème minute et un joueur s’effondre dans le rond central, en tenant son adducteur. Il s’agit de Chancel Mbemba, capitaine du soir, premier buteur et surtout, meilleur Congolais sur la pelouse. Se tordant de douleur, le défenseur de Newcastle (utilisé comme milieu défensif avec brio par Ibenge depuis sa prise de fonction) ne peut plus continuer. Pour le remplacer, l’ancien entraîneur du Shanghaï Shenhua fait confiance à Rémi Mulumba. Cible du scepticisme des supporters depuis une CAN très compliquée, il convient de noter que le milieu du Gazélec Ajaccio n’a, pour l’heure, disputé AUCUN match cette saison en Domino’s Ligue 2. Et malheureusement, l’ancien Lorientais s’est avéré, lui aussi, incapable de faire taire ses détracteurs ce soir, bien au contraire…

L’avant-après Mbemba se fait vite ressentir. Trop timoré, le natif d’Abbeville n’injecte pas la même énergie et la même aggressivité que Chancel. Peu enclin à jouer vers l’avant, la paire qu’il forme désormais avec Maghoma (qui n’est pas un récupérateur de métier) prend vite l’eau face à des Tunisiens déterminés à réduire l’écart. Les léopards perdent petit à petit la possession de balle, se fatiguent, subissent les offensives adverses. L’axe Moke-Bope, très solide jusqu’à présent, se retrouve de plus en plus exposé. Ayant déployé une grande énergie, pris de nombreux coups, Gaël Kakuta montre logiquement des signes de fatigue, mais reste sur le terrain. Sur une offensive Congolaise, Chadrac Akolo, qui a remplacé Mubele, s’échappe côté droit, puis sert parfaitement Bakambu dans la profondeur. Légèrement excentré sur la droite, l’attaquant de Villarreal tente de frapper dans un angle fermé par excès d’opportunisme, oubliant Akolo, esseulé en pleine surface. Le ballon finit dans le petit filet et le jeune attaquant de Stuttgart est privé d’un but pour sa première sélection. Un but qui aurait certainement « tué » le match…

Cinq minutes plus tard, le latéral Rami Bedoui déborde, puis dépose un Kakuta pourtant bien plus rapide que lui. Epuisé, le joueur d’Amiens laisse son adversaire centrer. A la réception, la frappe complètement écrasée de Ben Amor est malencontreusement déviée par Moke, trompant Matampi qui se trouvait sur la trajectoire initiale. 2-1, le match est relancé. Un frisson commence à parcourir les travées stade des Martyrs, les supporters étant peu rassurés par la physionomie du match. Très rapidement, le cours des événements vient confirmer leurs craintes. A peine deux minutes plus tard, la paire Mulumba-Maghoma est de nouveau perforée par une offensive tunisienne. Prise de panique, la défense s’emmêle les pinceaux, Issama et Bope taclent dans le vide. Joueur tunisien le plus à l’aise techniquement, Youssef Msekni réalise une louche en pleine surface, Anice Badri reprend de volée, Matampi est battu pour la seconde fois de la soirée. La fois de trop pour beaucoup de supporters qui, dégoûtés, quittent le stade. On a nous-mêmes du mal à y croire. Pour couronner le tout, Kakuta sort également sur blessure. Une dernière lueur d’espoir s’envole lorsque le coup-franc de Mpoku rebondit sur la barre de Mathlouthi (86′). Au coup de sifflet final, la désillusion est palpable. La RDC a laissé s’envoler une victoire qui lui tendait les bras face à une équipe tunisienne certainement inférieure en talent, mais disciplinée et bien plus solide mentalement.

MATAMPI (5,5) :

Un match globalement correct de la part de Matampi. Certes pas impliqué sur les deux buts encaissés, un certain manque de communication avec sa défense s’est souvent fait ressentir. Pas forcément de son ressort cependant, l’axe Bope-Moke étant expérimental…

ISSAMA (5) : 

Difficile de noter objectivement la prestation d’Issama Mpeko. Préféré à Jordan Ikoko pour tenir le couloir droit, son expérience a parfois été utile sur les phases défensives, où il est parvenu à éteindre Ghilane Chalali. Coriace au marquage, il a globalement réussi sa mission de bloquer son couloir, mais son manque de communication avec Merveille Bope sur le second but encaissé a été fatale à l’équipe. Offensivement, il demeure gêné par ses lacunes techniques, et a perdu de nombreux ballons. Son seul fait d’armes dans ce domaine demeure cette percée dans la défense tunisienne, lorsqu’il slalome intelligemment entre trois adversaires, mais voit son centre repoussé par Ben Youssef.

BOPE (6) : 

Jusqu’à la 79ème minute et cette égalisation tunisienne, Merveille Bope était le meilleur défenseur Congolais sur la pelouse. En plus d’être, une nouvelle fois, le léopard ayant réalisé le plus d’interceptions (6), le joueur du Standard se montrait relativement calme et composé. Cependant, cette sérénité a pris un sérieux coup après la réduction du score. Pris de panique sur une offensive adverse pourtant anodine, sa mésentente avec Issama coûte l’égalisation tunisienne.

MOKE ABRO (5) : 

Un baptême de feu pour le joueur de Konyaspor. Pour sa première sélection, l’ancien défenseur du Steaua Bucarest a montré de belles dispositions. Agressif mais malin, il à réussi à éteindre de nombreuses offensives adverses. Néanmoins, son niveau de communication avec Bope et Ngonda laissait à désirer. En détournant une frappe de Ben Amor, il inscrit un but contre son camp malencontreux.

NGONDA (4,5) : 

Concentré et tenace défensivement, l’arrière-gauche de VClub a déployé une grande activité sur son couloir. Une belle performance gâchée par une implication sur les deux buts encaissés… Positionné trop bas sur le premier, il laisse libre cours au débordement de Bedoui. Le latéral de 22 ans n’a également pas échappé à la panique collective sur le second , où son absence de marquage permet à Anice Badri catapulter sa reprise.

MBEMBA (7,5)

Les répercussions qui ont suivi sa sortie sur blessure l’ont prouvé. Chancel Mbemba était sans l’ombre d’un doute le meilleur léopard hier. Capitaine suite à l’éviction de Zakuani, le joueur de Newcastle a démontré qu’il avait toutes les qualités d’un leader. Récupérant, pressant, cherchant constamment à jouer vers l’avant dès l’entame de la rencontre, il ouvre le score d’une tête placée sur un coup-franc de Kakuta. Véritable patron au centre du terrain, sa complémentarité avec Maghoma a permis au léopards de remporter la bataille du milieu de terrain. Remplacé à la 55ème minute par Mulumba (4) après sa blessure, on connaît la suite…

MAGHOMA (6) : 

A l’aise dans son rôle box-to-box, le milieu de Birmingham a, dans un premier temps, été omniprésent. Très complémentaire avec Mbemba, il occupait avec brio le rôle de relayeur et de pourvoyeur d’attaque. Bien que parfois brouillon dans ses transmissions, son application technique a mené la vie dure aux tunisiens en première période. Cependant, la sortie de son compère au milieu a vite exposé ses difficultés à la récupération, et son manque de communication avec Mulumba a fait flancher l’organisation du jeu Congolais, qui reposait beaucoup sur lui.

MUBELE (4) : 

L’ailier Congolais est plutôt bien rentré dans son match. Provoquant, permutant avec Kakuta (aile droite-aile gauche) et obtenant le coup-franc décisif (8′), il avait montré de bonnes dispositions. Mais petit à petit, la performance du Rennais a chuté. Il a enchaîné les mauvais choix, perdu de nombreux ballons sur le front de l’attaque et a constamment cherché la faute, au point d’agacer le public, et Florent Ibenge. Ce dernier l’a logiquement remplacé par Chadrac Akolo (5). 

KAKUTA (6,5) : 

Encore un match encourageant pour l’ancien joueur de Chelsea. Avec son aisance technique et son excellente patte gauche, il est incontestablement un renfort de taille pour les léopards. Meilleur sur l’aile qu’au centre, il est passeur décisif sur le but de Mbemba grâce à une merveille de coup-franc enveloppé. Altruiste et peu avare en efforts, sa promptitude à revenir défendre mérite également d’être soulignée. Certainement le joueur ayant reçu le plus de coups sur la pelouse, la fatigue le gagne à partir de l’heure de jeu. Effacé par Bedoui sur son débordement, il est donc impliqué sur la réduction du score tunisienne (77′). Blessé peu après l’égalisation et finalement remplacé par Bolingi (non noté) , on lui souhaite un prompt rétablissement.

MPOKU (6,5)

Auteur de son septième but en sélection, le capitaine du Standard a bel et bien répondu aux attentes. Composé et appliqué dans l’organisation du jeu, il n’a cependant pas touché le nombre de ballons attendu, et à eu tendance à exister par intermittences. Malheureux, son coup-franc qui aurait pu redonner l’avantage aux léopards s’écrase sur la barre en fin de match (86′).

BAKAMBU (5) : 

Bakaoal a mouillé le maillot, c’est certain. Mais l’attaquant de Villarreal n’a apporté le danger que de manière stérile. Son opportunisme a coûté cher, notamment lorsqu’il préfère frapper en angle fermé sans voir l’appel d’Akolo, esseulé en pleine surface (72′). Où lorsque, lancé dans la profondeur par Mpoku, il choisit de tirer au but alors qu’il aurait été opportun de temporiser (50′). Deux occasions qui auraient permis de tuer le match…

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