L’épopée des Léopards de 1974
Posté : 08 avr. 2010, 12:44
L’épopée des Léopards de 1974
Inzoweb.net vous propose une série d’histoires du football congolais en 1974. Partant de la qualification des Léopards du Zaïre en 1973 à son élimination honteuse à la Coupe du monde de 1974 avec les commentaires croustillants de Pierre Célestin Kabala Mwana Mbuyi, l’un des pionniers du journalisme sportif en RDC et qui a d’ailleurs pris part à toutes ces rencontres. La première partie aborde la dure qualification du Zaïre à la Coupe d’Afrique des Nations et à la Coupe du monde.
Il faut dire que c’était l’apothéose du sport en RDC, en ce moment là Zaïre. En 1973 d’abord, l’association sportive V Club venait de remporter la coupe d’Afrique des Clubs champions devant l’un de grands clubs africains, l’Ashanti Kotoko de Kumasi. Battu à l’aller 3 buts à 1, V Club avait pris sa revanche au match retour au stade du 20 mai, en ce moment là, c’était dans une ambiance formidable avec l’union de cœur de tous les clubs de Kinshasa et même de l’arrière-pays. Et dans la suite, il y avait les éliminatoires de la Coupe du monde qui, à l’époque comme aujourd’hui curieusement, étaient jumelés. Il y avait la Coupe d’Afrique des Nations et la Coupe du monde.
Face à la Zambie, présomption de fétiche sur le gardien Kazadi
Le Zaïre s’était qualifié pour la Coupe du monde d’une manière assez, on peut dire, pittoresque. Nous avons eu des matches très difficiles avec la Zambie. La Zambie avait une équipe formidable avec les Chitalu, Chanda, Musonda et tous les grands qu’il y avait en ce moment là. Et le Zaïre avait les Kazadi, Bwanga, Lubilu, Mayanga, Kakoko … et le fameux Ndaye.
Les zambiens avait eu des présomptions sur le gardien Kazadi. Pour eux, Kazadi avait des fétiches qui ne permettaient pas aux adversaires de marquer contre son camp. Et, effectivement Kazadi était un garçon très habile. Vous pouviez être à moins d’un mètre pour le tromper, c’était très difficile parce qu’il avait des interventions assez spontanées. Au point que le public a même dû demander qu’on arrose le but de Kazadi. On a même envoyé un grand féticheur zambien fouiller dans les bois de Kazadi pour que le but entre. Le but n’est jamais entré jusqu’à la fin du match ...
Et voilà que les Léopards se qualifient pour la Coupe du monde en passant par un ancien représentant de l’Afrique à la compétition, le Maroc. L’équipe avait un joueur de grand talent, Ahmed Faras. Il avait la réputation d’être un joueur complet et toute l’Europe ne jurait que par lui. L’équipe marocaine était considérée comme une équipe complète, entraînée par un homme d’expérience, avec des joueurs qui pouvaient facilement aller en Europe et rentrer au Maroc avec le même niveau.
Face au Maroc, les soupçons de corruption de l’arbitre
Pour toute l’Europe et pour toute l’Afrique, le Zaïre ne pouvait pas passer devant le Maroc. Après le match nul au Maroc, le match retour se joue à Kinshasa.
Le stade est en effervescence. L’arbitre du match était le Major Lamptey, de nationalité ghanéenne. Un des arbitres les plus appréciés du continent africain. Surtout que c’était un haut cadre de l’armée ghanéenne et il avait la réputation de ne pas être corruptible. Mais, le monde arabe était persuadé qu’à Kinshasa, il n’y avait pas d’incorruptibles, que tout le monde pouvait facilement céder devant les propositions parce qu’on pensait que c’est le Maréchal Mobutu qui, lui-même, pratiquait la corruption des équipes étrangères et des arbitres qui venaient à Kinshasa.
Le match était très engagé, très difficile. On n’arrivait pas à marquer de part et d’autre. Le Zaïre avait en ce moment là, un attaquant de pointe qu’on appelait Kembo, il est décédé. Une balle aérienne lui est envoyée. Et je crois que dans le duel aérien qui s’en est suivi, Kembo avait dû certainement faire un geste sur le gardien de but mais que l’arbitre n’avait pas vu. C’est le but. Les marocains protestent. Pour eux, l’arbitre a accordé le but parce qu’il est corrompu. Le match a été suspendu pendant un temps. Le major est resté strict, il a soutenu que le but est valable et qu’on pouvait le vérifier. Après la reprise du jeu, le Zaïre a marqué d’autres buts indiscutables. Score final 3 buts à 1, en faveur du Zaïre.
Les observateurs sceptiques
La rencontre avait attiré beaucoup d’observateurs du football mondial sur le football africain particulièrement. Ils sont partis quelque peu éberlués, parfois déçus. Pour certains, ce n’était pas très clair, surtout pour le premier but. Et pour d’autres, même si on devait douter du premier but, il y en avait eu d’autres qui sont entrés proprement. Le Zaïre avait tout simplement battu le Maroc. Tous les observateurs se sont donnés rendez-vous au Caire, en Egypte pour évaluer le niveau des Léopards à la Coupe d’Afrique des nations (ndlr : la suite sur inzoweb.net).
L’épopée des Léopards de 1974 (Episode 2)
Cette année là, 1974, le Zaïre s’est qualifié pour la Coupe du monde et pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Beaucoup d’observateurs se sont donné rendez-vous au Caire pour voir cette équipe qui va représenter l’Afrique à la Coupe du monde. Et c’était la première fois, après le Maroc et l’Egypte, qu’un pays de l’Afrique sub- saharienne représentait le continent à la Coupe du monde. Le Caire représentait un test grandeur nature pour les Léopards. Le journaliste Pierre Célestin Kabala Mwana Mbuyi vous raconte cette page d'histoire sur inzoweb.net.
Lorsque le coup d’envoi de cette édition est donné le 1er mars, l’Égypte vient à peine de sortir de la guerre d’Octobre 1973. Le président égyptien, pour essayer de soulager son peuple avait obtenu l’organisation de ce tournoi final de la CAN en Egypte.
Le Zaïre était dans le même groupe que la Guinée, le Congo-Brazzaville et l’Ile Maurice. Le groupe était à Alexandrie, au bord de la mer, et il faisait très froid. Un bon comportement pour le premier match contre la Guinée. Au deuxième match, le Zaïre était battu par le Congo-Brazzaville. C’était une grande déception et il fallait absolument se qualifier. Le Zaïre devait livrer son troisième match contre l’Ile Maurice qui était un inconnu parce que c’était la première fois que les Mauriciens se qualifiaient pour un tournoi final de la Coupe d’Afrique des Nations. Personne ne savait comment ils évoluaient. La presse a été chargée d’aller filmer l’équipe mauricienne qui jouait contre la Guinée à Damanhour. Les images ont été ramenées pour permettre aux entraîneurs de voir comment jouait l’Ile Maurice. L’équipe zaïroise était entraînée par Blagoje Vidinic avec comme adjoint Nicodème Kabamba. Ils avaient complètement changé l’équipe parce qu’à l’issue du match de la défaite contre le Congo Brazza toute la délégation était abattue. Il y avait même division au sein de la délégation de l’équipe zaïroise. C’était difficile de colmater les brèches, alors l’entraineur avait jugé bon de reposer tous ceux qu’on appelait de l’équipe A pour prendre les éléments de l’équipe B.
Dans les rangs de l’Ile Maurice qui avait visionné les matches du Zaïre, les cartes étaient complètement déjouées parce que c’était totalement une nouvelle équipe. Le Zaïre l’a emporté face à l’Ile Maurice par 4 buts à 1.
Zaïre-Egypte
Contre l’Egypte, ce fut un match formidable. L’Egypte était le premier à marquer avec Ali Abougreisha sur erreur de Lobilo qui était l’arrière central qui avait un peu cafouiller devant le gabarit et le style d’Ali Abougreisha. Mais alors, la délégation du Zaïre, qui n’était pas très nombreuse, s’était mise à chanter les chansons révolutionnaires pour inciter les joueurs à un peu plus de rigueur. Les membres de la délégation, les joueurs de réserve, tout le monde s’était regroupé avec les membres de l’équipage du DC10 qui était venu attendre la délégation du Zaïre à l’aéroport. Il y avait des mégaphones de l’avion qu’on avait démontés pour porter assez haut les voix. Avec la détermination des Léopards, Ndaye avait égalisé et puis il y a eu le but de Mayanga, et enfin Ndaye avait encore marqué. Par 3 buts à 1, le Zaïre avait battu l’Egypte. Tous les gradins du stade s’étaient vidés. Inutile de le préciser, le désarroi des Egyptiens étaient à la hauteur du résultat …
« Zaïre shetani »
Comme anecdote, je vais vous raconter que les journalistes s’étaient adonnés à un jeu quelque peu rigolo. La presse égyptienne rapportait que les Zaïrois avaient amené des cadavres de gosses dans leurs valises. En fait, quelques joueurs avaient emmené la viande de singe boucanée. A la douane, lors de la fouille, les agents de la douane qui les avaient vus ont répercuté la nouvelle. Tous les journaux écrivaient Zaïre shetani. Les Zaïrois ont joué sur cette astuce en disant que c’était psychologique. Dès lors, des journalistes se sont amusés à amener les cranes des singes et la viande de porc dans les vestiaires de l’équipe égyptienne. Compte tenu de l’adversité et de l’animosité ambiantes, la délégation zaïroise s’est évertuée à apprendre des chansons arabes prônant l’amitié entre le Zaïre et l’Egypte. Cela a joué sur le moral et du public et des joueurs. C’est comme ça que l’agressivité s’était quelque peu tassée. Le Zaïre s’est qualifié à l’étape d’après, la grande finale contre la Zambie.
La malice congolaise
Au premier match, c’était un match nul de deux buts partout. Dans l’équipe zambienne, il y avait un buteur patenté du nom de Kahushi. A chaque fois que Ndaye marquait, lui marquait. La deuxième finale devait se jouer dans les 48 heures. Cela a permis aux comédiens de trouver l’astuce. Kahushi dans son adolescence avait joué au Katanga, à Lubumbashi dans l’équipe de Philips mondial avant de rentrer en Zambie. Dans les rangs de la fédération zaïroise de football, un dirigeant a reconnu le joueur zambien. Quelqu’un a proposé d’intimider le joueur pour l’empêcher de jouer. Le monsieur est allé à l’hôtel où logeait l’équipe zambienne en prenant avec lui un petit flacon dans lequel il a mis des morceaux d’étoffe avec des ongles et des cheveux. S’adressant directement à Kahushi en swahili, il le mit en garde sur le fait que sa vie était suspendue à un fil. S’il marquait contre le Zaïre, il en mourrait car son affaire est laissée entre les mains d’un puissant marabout.
Ndaye, héros de la finale
Croyez-le ou non, Kahushi est tombé malade toute la nuit suivante. Le lendemain, le buteur zambien n’a pas joué ! On a tout fait pour l’encourager pour qu’il joue, mais il a refusé. Le président zambien de l’époque, Kawunda, avait envoyé le vice-président avec un avion affrété et des supporters venus encourager leur équipe. Pour eux, ils allaient gagner la coupe. Quand les délégations sortent, on constate que Kahushi n’est pas dans l’équipe de base qui monte sur le terrain. Les Zaïrois ont applaudi. Pour eux, le coup était joué.
Effectivement, quand on a joué c’est Ndaye qui était le maître sur le terrain. On a pu battre la Zambie deux buts à zéro. Et voilà comment le Zaïre remportait la Can en 1974. De retour à Kinshasa, c’était une grande fête. De l’aéroport, une marée humaine est allée accueillir les Léopards qui devaient être conduits immédiatement à la cité de l’OUA où le président de la république devait les recevoir à dîner. S’en suivit une grande réception. L’équipe obtint la médaille des mérites sportifs ainsi que celle de l’Ordre national des Léopards. On leur promit voyage à l’étranger avec leurs familles, maisons à la nouvelle cité résidentielle et voitures. Tout cela a été fait avant la Coupe du monde (ndlr : le prochain épisode sur inzoweb.net avec Pierre Célestin Kabala Mwana Mbuyi).
Inzoweb.net vous propose une série d’histoires du football congolais en 1974. Partant de la qualification des Léopards du Zaïre en 1973 à son élimination honteuse à la Coupe du monde de 1974 avec les commentaires croustillants de Pierre Célestin Kabala Mwana Mbuyi, l’un des pionniers du journalisme sportif en RDC et qui a d’ailleurs pris part à toutes ces rencontres. La première partie aborde la dure qualification du Zaïre à la Coupe d’Afrique des Nations et à la Coupe du monde.
Il faut dire que c’était l’apothéose du sport en RDC, en ce moment là Zaïre. En 1973 d’abord, l’association sportive V Club venait de remporter la coupe d’Afrique des Clubs champions devant l’un de grands clubs africains, l’Ashanti Kotoko de Kumasi. Battu à l’aller 3 buts à 1, V Club avait pris sa revanche au match retour au stade du 20 mai, en ce moment là, c’était dans une ambiance formidable avec l’union de cœur de tous les clubs de Kinshasa et même de l’arrière-pays. Et dans la suite, il y avait les éliminatoires de la Coupe du monde qui, à l’époque comme aujourd’hui curieusement, étaient jumelés. Il y avait la Coupe d’Afrique des Nations et la Coupe du monde.
Face à la Zambie, présomption de fétiche sur le gardien Kazadi
Le Zaïre s’était qualifié pour la Coupe du monde d’une manière assez, on peut dire, pittoresque. Nous avons eu des matches très difficiles avec la Zambie. La Zambie avait une équipe formidable avec les Chitalu, Chanda, Musonda et tous les grands qu’il y avait en ce moment là. Et le Zaïre avait les Kazadi, Bwanga, Lubilu, Mayanga, Kakoko … et le fameux Ndaye.
Les zambiens avait eu des présomptions sur le gardien Kazadi. Pour eux, Kazadi avait des fétiches qui ne permettaient pas aux adversaires de marquer contre son camp. Et, effectivement Kazadi était un garçon très habile. Vous pouviez être à moins d’un mètre pour le tromper, c’était très difficile parce qu’il avait des interventions assez spontanées. Au point que le public a même dû demander qu’on arrose le but de Kazadi. On a même envoyé un grand féticheur zambien fouiller dans les bois de Kazadi pour que le but entre. Le but n’est jamais entré jusqu’à la fin du match ...
Et voilà que les Léopards se qualifient pour la Coupe du monde en passant par un ancien représentant de l’Afrique à la compétition, le Maroc. L’équipe avait un joueur de grand talent, Ahmed Faras. Il avait la réputation d’être un joueur complet et toute l’Europe ne jurait que par lui. L’équipe marocaine était considérée comme une équipe complète, entraînée par un homme d’expérience, avec des joueurs qui pouvaient facilement aller en Europe et rentrer au Maroc avec le même niveau.
Face au Maroc, les soupçons de corruption de l’arbitre
Pour toute l’Europe et pour toute l’Afrique, le Zaïre ne pouvait pas passer devant le Maroc. Après le match nul au Maroc, le match retour se joue à Kinshasa.
Le stade est en effervescence. L’arbitre du match était le Major Lamptey, de nationalité ghanéenne. Un des arbitres les plus appréciés du continent africain. Surtout que c’était un haut cadre de l’armée ghanéenne et il avait la réputation de ne pas être corruptible. Mais, le monde arabe était persuadé qu’à Kinshasa, il n’y avait pas d’incorruptibles, que tout le monde pouvait facilement céder devant les propositions parce qu’on pensait que c’est le Maréchal Mobutu qui, lui-même, pratiquait la corruption des équipes étrangères et des arbitres qui venaient à Kinshasa.
Le match était très engagé, très difficile. On n’arrivait pas à marquer de part et d’autre. Le Zaïre avait en ce moment là, un attaquant de pointe qu’on appelait Kembo, il est décédé. Une balle aérienne lui est envoyée. Et je crois que dans le duel aérien qui s’en est suivi, Kembo avait dû certainement faire un geste sur le gardien de but mais que l’arbitre n’avait pas vu. C’est le but. Les marocains protestent. Pour eux, l’arbitre a accordé le but parce qu’il est corrompu. Le match a été suspendu pendant un temps. Le major est resté strict, il a soutenu que le but est valable et qu’on pouvait le vérifier. Après la reprise du jeu, le Zaïre a marqué d’autres buts indiscutables. Score final 3 buts à 1, en faveur du Zaïre.
Les observateurs sceptiques
La rencontre avait attiré beaucoup d’observateurs du football mondial sur le football africain particulièrement. Ils sont partis quelque peu éberlués, parfois déçus. Pour certains, ce n’était pas très clair, surtout pour le premier but. Et pour d’autres, même si on devait douter du premier but, il y en avait eu d’autres qui sont entrés proprement. Le Zaïre avait tout simplement battu le Maroc. Tous les observateurs se sont donnés rendez-vous au Caire, en Egypte pour évaluer le niveau des Léopards à la Coupe d’Afrique des nations (ndlr : la suite sur inzoweb.net).
L’épopée des Léopards de 1974 (Episode 2)
Cette année là, 1974, le Zaïre s’est qualifié pour la Coupe du monde et pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Beaucoup d’observateurs se sont donné rendez-vous au Caire pour voir cette équipe qui va représenter l’Afrique à la Coupe du monde. Et c’était la première fois, après le Maroc et l’Egypte, qu’un pays de l’Afrique sub- saharienne représentait le continent à la Coupe du monde. Le Caire représentait un test grandeur nature pour les Léopards. Le journaliste Pierre Célestin Kabala Mwana Mbuyi vous raconte cette page d'histoire sur inzoweb.net.
Lorsque le coup d’envoi de cette édition est donné le 1er mars, l’Égypte vient à peine de sortir de la guerre d’Octobre 1973. Le président égyptien, pour essayer de soulager son peuple avait obtenu l’organisation de ce tournoi final de la CAN en Egypte.
Le Zaïre était dans le même groupe que la Guinée, le Congo-Brazzaville et l’Ile Maurice. Le groupe était à Alexandrie, au bord de la mer, et il faisait très froid. Un bon comportement pour le premier match contre la Guinée. Au deuxième match, le Zaïre était battu par le Congo-Brazzaville. C’était une grande déception et il fallait absolument se qualifier. Le Zaïre devait livrer son troisième match contre l’Ile Maurice qui était un inconnu parce que c’était la première fois que les Mauriciens se qualifiaient pour un tournoi final de la Coupe d’Afrique des Nations. Personne ne savait comment ils évoluaient. La presse a été chargée d’aller filmer l’équipe mauricienne qui jouait contre la Guinée à Damanhour. Les images ont été ramenées pour permettre aux entraîneurs de voir comment jouait l’Ile Maurice. L’équipe zaïroise était entraînée par Blagoje Vidinic avec comme adjoint Nicodème Kabamba. Ils avaient complètement changé l’équipe parce qu’à l’issue du match de la défaite contre le Congo Brazza toute la délégation était abattue. Il y avait même division au sein de la délégation de l’équipe zaïroise. C’était difficile de colmater les brèches, alors l’entraineur avait jugé bon de reposer tous ceux qu’on appelait de l’équipe A pour prendre les éléments de l’équipe B.
Dans les rangs de l’Ile Maurice qui avait visionné les matches du Zaïre, les cartes étaient complètement déjouées parce que c’était totalement une nouvelle équipe. Le Zaïre l’a emporté face à l’Ile Maurice par 4 buts à 1.
Zaïre-Egypte
Contre l’Egypte, ce fut un match formidable. L’Egypte était le premier à marquer avec Ali Abougreisha sur erreur de Lobilo qui était l’arrière central qui avait un peu cafouiller devant le gabarit et le style d’Ali Abougreisha. Mais alors, la délégation du Zaïre, qui n’était pas très nombreuse, s’était mise à chanter les chansons révolutionnaires pour inciter les joueurs à un peu plus de rigueur. Les membres de la délégation, les joueurs de réserve, tout le monde s’était regroupé avec les membres de l’équipage du DC10 qui était venu attendre la délégation du Zaïre à l’aéroport. Il y avait des mégaphones de l’avion qu’on avait démontés pour porter assez haut les voix. Avec la détermination des Léopards, Ndaye avait égalisé et puis il y a eu le but de Mayanga, et enfin Ndaye avait encore marqué. Par 3 buts à 1, le Zaïre avait battu l’Egypte. Tous les gradins du stade s’étaient vidés. Inutile de le préciser, le désarroi des Egyptiens étaient à la hauteur du résultat …
« Zaïre shetani »
Comme anecdote, je vais vous raconter que les journalistes s’étaient adonnés à un jeu quelque peu rigolo. La presse égyptienne rapportait que les Zaïrois avaient amené des cadavres de gosses dans leurs valises. En fait, quelques joueurs avaient emmené la viande de singe boucanée. A la douane, lors de la fouille, les agents de la douane qui les avaient vus ont répercuté la nouvelle. Tous les journaux écrivaient Zaïre shetani. Les Zaïrois ont joué sur cette astuce en disant que c’était psychologique. Dès lors, des journalistes se sont amusés à amener les cranes des singes et la viande de porc dans les vestiaires de l’équipe égyptienne. Compte tenu de l’adversité et de l’animosité ambiantes, la délégation zaïroise s’est évertuée à apprendre des chansons arabes prônant l’amitié entre le Zaïre et l’Egypte. Cela a joué sur le moral et du public et des joueurs. C’est comme ça que l’agressivité s’était quelque peu tassée. Le Zaïre s’est qualifié à l’étape d’après, la grande finale contre la Zambie.
La malice congolaise
Au premier match, c’était un match nul de deux buts partout. Dans l’équipe zambienne, il y avait un buteur patenté du nom de Kahushi. A chaque fois que Ndaye marquait, lui marquait. La deuxième finale devait se jouer dans les 48 heures. Cela a permis aux comédiens de trouver l’astuce. Kahushi dans son adolescence avait joué au Katanga, à Lubumbashi dans l’équipe de Philips mondial avant de rentrer en Zambie. Dans les rangs de la fédération zaïroise de football, un dirigeant a reconnu le joueur zambien. Quelqu’un a proposé d’intimider le joueur pour l’empêcher de jouer. Le monsieur est allé à l’hôtel où logeait l’équipe zambienne en prenant avec lui un petit flacon dans lequel il a mis des morceaux d’étoffe avec des ongles et des cheveux. S’adressant directement à Kahushi en swahili, il le mit en garde sur le fait que sa vie était suspendue à un fil. S’il marquait contre le Zaïre, il en mourrait car son affaire est laissée entre les mains d’un puissant marabout.
Ndaye, héros de la finale
Croyez-le ou non, Kahushi est tombé malade toute la nuit suivante. Le lendemain, le buteur zambien n’a pas joué ! On a tout fait pour l’encourager pour qu’il joue, mais il a refusé. Le président zambien de l’époque, Kawunda, avait envoyé le vice-président avec un avion affrété et des supporters venus encourager leur équipe. Pour eux, ils allaient gagner la coupe. Quand les délégations sortent, on constate que Kahushi n’est pas dans l’équipe de base qui monte sur le terrain. Les Zaïrois ont applaudi. Pour eux, le coup était joué.
Effectivement, quand on a joué c’est Ndaye qui était le maître sur le terrain. On a pu battre la Zambie deux buts à zéro. Et voilà comment le Zaïre remportait la Can en 1974. De retour à Kinshasa, c’était une grande fête. De l’aéroport, une marée humaine est allée accueillir les Léopards qui devaient être conduits immédiatement à la cité de l’OUA où le président de la république devait les recevoir à dîner. S’en suivit une grande réception. L’équipe obtint la médaille des mérites sportifs ainsi que celle de l’Ordre national des Léopards. On leur promit voyage à l’étranger avec leurs familles, maisons à la nouvelle cité résidentielle et voitures. Tout cela a été fait avant la Coupe du monde (ndlr : le prochain épisode sur inzoweb.net avec Pierre Célestin Kabala Mwana Mbuyi).