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Questions directes à Tharcisse Loseke
Neurologue, membre co-fondateur de l’ECIDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement), membre du cartel «Dynamique Tshisekedi président» (DTP), une coalition des partis politiques qui a soutenu la candidature d’Etienne Tshisekedi à l’élection présidentielle, Tharcisse Loseke Nembalemba revient du district de Sankuru (Province du Kasaï oriental) où il a présenté sa candidature à la députation nationale dans la circonscription de Katakokombe. Il a bien voulu répondre aux questions de Congo Indépendant sur les questions brûlantes d’actualité.
La prestation de serment du président Tshisekedi aura-t-elle bel et bien lieu demain vendredi 23 décembre?
Je le confirme. La cérémonie aura lieu à 10 heures au Stade des Martyrs. Je vous signale que 10.000 cartons d’invitation ont été envoyés. Il n’est pas exclu que certaines personnalités étrangères y assistent «à titre personnel».
Le ministre de la Communication et presse Lambert Mende Omalanga a pourtant déclaré mercredi 21 décembre à la RTBF que cette manifestation sera interdite par le bourgmestre de Limete. Qu’en dites-vous ?
Ce sont des déclarations farfelues. Ce n’est pas le bourgmestre de Limete qui va gérer un président de la République.
Ne pensez-vous pas que l’opposition congolaise compte un peu trop sur la «communauté internationale» alors que celle-ci attend que les Congolais s’assument à l’instar des Tunisiens et des Egyptiens?
L’opposition congolaise sait qu’Etienne Tshisekedi wa Mulumba est le vainqueur de l’élection présidentielle du 28 novembre. Elle entend prendre ses responsabilités. Les représentants des forces de l’opposition préfèrent néanmoins impliquer la communauté internationale. Le 16 décembre, Joseph Kabila a fait un passage en force pour servir des intérêts étrangers. Je peux vous assurer que le peuple congolais est prêt à entrer en résistance pour libérer le pays. Quel que soit le prix à payer...
Et si la «communauté internationale» refusait d’arbitrer le bras de fer Tshisekedi-Kabila?
Ce serait bien dommage parce que le Congo pourrait ainsi sombrer dans le chaos.
Vous venez de passer deux mois au Congo. Quelle est la situation sociale de la population dans l’arrière-pays?
La situation de la population est simplement catastrophique. On se croirait revenu au Moyen Age. La population vit dans une pénurie totale des biens de première nécessité. Elle n’a pas accès aux soins de santé.
Quelles sont vos impressions sur le déroulement des élections présidentielle et législatives du 28 novembre ?
C’est un sentiment de très grande déception. La Commission électorale nationale indépendante avait mis en place une organisation très chaotique. Quinze jours avant le début du scrutin, la cartographie des bureaux de vote n’était pas publiée. Il en est de même des listes électorales qui n’étaient pas connues. Le jour du vote, j’ai eu la désagréable surprise de constater que la plupart des membres du bureau de vote où j’étais inscrit appartenaient à certains partis politiques de la majorité présidentielle. C’est le cas du Palu et du MSDD. Très peu d’électeurs sont allés voter. Et ce, faute de bulletins suffisants. Un moment donné les membres du bureau s’enfermaient pour bourrer les urnes au vu et au su de tout le monde.
Les «résultats provisoires» des législatives sont attendus le 13 janvier prochain. Quels sont les pronostics en ce qui vous concerne?
La popularité que j’ai eue pendant la campagne électorale risque d’être démentie par les résultats. Je n’ai pas eu accès aux bulletins de vote qui circulaient en dehors du «circuit». Ceux qui les avaient ont sans doute bénéficié d’un coup de pouce pour me damer les pions...
N’avez-vous pas mobilisé des témoins ?
J’avais mobilisé des témoins en fonction de la cartographie affichée sur le site de la Ceni. Alors que les «gens» de la majorité présidentielle détenaient la «véritable cartographie». Il y avait plusieurs bureaux fictifs dans ma circonscription. Pour vos lecteurs, je dois préciser que la cartographie ici est la répartition géographique des bureaux de vote à travers une circonscription électorale. J’ai pu remarquer que les collectivités favorables aux forces de l’opposition étaient dotées de quelques bureaux de vote éparpillés sur de longues distances. C’est le cas notamment de la Collectivité de Lokombe. Dans les autres collectivités plus favorables au pouvoir, il y avait une concentration de bureaux, facilement accessibles. Je peux citer ici les collectivités de Basambala et Watambolo Nord. Toutes les manœuvres ont été entreprises pour favoriser les candidats proches du pouvoir. Il y a lieu de craindre que les irrégularités constatées lors de la présidentielle se reproduisent au niveau des législatives. L’objectif de Monsieur Kabila est d’obtenir une majorité de deux tiers à l’Assemblée nationale et au Sénat. Je pense qu’il faudrait obtenir l’annulation des élections législatives dans certaines circonscriptions.
Plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer des «irrégularités graves» dans le déroulement des opérations électorales. Faudrait-il, selon vous, invalider tout le processus électoral ?
Au lieu d’invalider l’ensemble du processus, je crois que la Cour suprême de justice aurait dû se ressaisir en démontrant que des irrégularités ont entamé la crédibilité des résultats. Il y a eu dans certains cas la volonté manifeste de gonfler les voix en faveur de Kabila tout en diminuant celles destnées à Tshisekedi. La tricherie a eu lieu dans presque 90% des bureaux de vote que j’ai consultés.
Que répondez-vous à ceux qui disent que le candidat Etienne Tshisekedi aurait dû introduire un recours à la Cour suprême de justice ?
Il n’ y a pas de justice dans notre pays. M. Tshisekedi l’a dit. Il a eu raison de ne pas introduire de recours devant la Cour suprême de Justice. Que pouvait-on espérer d’une juridiction dont une dizaine de membres ont été nommés par le président sortant durant la campagne électorale? Le problème qui se pose est éminemment politique. C’est pourquoi, il faut le résoudre par des canaux diplomatiques. Il reste que le peuple congolais doit se déterminer pour promouvoir le changement et non la communauté internationale. M. Tshisekedi tend la main néanmoins à la communauté internationale pour sortir de la crise. Si celle-ci ne réagissait pas, il ne restera plus aux Congolais qu’à prendre leurs responsabilités...
Comment se porte le président Tshisekedi ?
Il va très bien. Il est très serein et sait que le peuple congolais est, cette fois-ci, prêt à se mobiliser pour sauver le Congo.
Quel rôle jouez-vous autour due lui?
Je suis tout simplement un proche collaborateur. Je n’assume aucune fonction particulière.
Que répondez-vous à ceux qui allèguent que Tshisekedi est populaire au Congo mais ne rassure pas à l’extérieur ?
Je pourrais vous retourner la question. Que doit-il faire pour rassurer à l’extérieur ? Doit-il se mettre à genoux ? Doit-il promettre le ciel ?
«Joseph Kabila» a prêté serment le mardi 20 décembre. Une manière de dire : «J’y suis, j’y reste!». Que comptent faire les forces de l’opposition ?
J’ai la conviction qu’il pourra difficilement gouverner le pays. Nous allons l’empêcher de gouverner.
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi
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