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RDC/Présidentielle 2011 : Est-ce la fin de règne pour Kabila ?
dimanche 4 décembre 2011 Jossart Muanza(AEM)
Godefroid Elongama|Photo : AEM (archives)
Alors que l’annonce officielle des résultats est attendue pour le 6 décembre prochain, Godefroid Elongama, le patron de CBBword.tv, qui comme beaucoup des ses compatriotes de la diaspora, suit de près la situation politique qui prévaut dans son pays d’origine, se prononce, sans ambages, sur les élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011 en RD Congo. D’entrée de jeu, il proclame la victoire du leader charismatique Etienne Tshisekedi wa Mulumba sur Joseph Kabila, candidat à sa propre succession donné vainqueur par son camp et selon les premiers résultats partiels publiés par la Céni (Commission électorale nationale indépendante).
Au vu des résultats partiels publiés par la Céni, c’est plutôt Joseph Kabila qui est en passe de l’emporter, quelle est votre réaction en tant que Congolais ?
C’est Tshisekedi qui a gagné. Les Occidentaux pensaient effectivement que la balance allait pencher en faveur de Kabila, mais ils commencent malheureusement à émettre un avis contraire au vu des réalités du terrain. Je m’explique : Les Occidentaux, voyant les militaires danser sur Kinshasa, croyaient que les populations seraient acquises à sa cause. Au finish, en réalité, c’est tout le contraire qui s’est passé, c’est un véritable cauchemar pour Kabila, à tel point que je pense que non seulement il a perdu la partie mais il doit être déprimé.
Qu’est-ce qui vous faire dire qu’il a perdu ?
Comment expliquez-vous que quelqu’un qui arrive mains nues, sans armes, en face d’un Kabila entouré d’une garde prétorienne et des militaires ainsi que des policiers armés jusqu’aux dents, comment se fait-il que ce dernier ait tout de même peur ? Non seulement, Kabila et les siens ont eu peur, mais aussi, ils ont perdu la tête à la seule idée que le sphinks de Limete arrivait. Les exemples sont nombreux. Déjà, à partir de l’Afrique du sud, il a été privé des moyens nécessaires pour se rendre au Congo et d’y lancer sa campagne à temps. Le commandant de l’aéroport de Ndjili ( selon lui ndlr) a empêché Tshisekedi sur cet aéroport, en plus, le pilote a demandé d’aller atterir au Congo-Brazzaville, ce qui lui a été refusé.
Tshisekedi n’a pourtant pas été le seul à devoir atterir à Ndolo. Pour raison de sécurité, l’avion de Kabila a, lui aussi, été contraint d’y atterir
Kabila était bien informé de la présence des masses populaires acquises à la cause de Tshisekedi. C’est pour cela qu’il a préféré non seulement atterir inconigto à Ndolo, mais, il a bien compris qu’il y avait un candidat que la majorité de la population de Kinshasa attendait en liesse, et de l’autre côté un candidat qui n’a pas la cote à Kinshasa et qui ne voulait pas être humilié. D’ores et déjà, Kabila n’était même pas en forme pour tenir un meeting dans un stade où il y avait moins de monde et je pense qu’il était déprimé à la suite des échecs qu’il venait d’essuyer dans son fief à l’est où il croyait rafler la mise comme en 2006. Or, là-bas aussi, les choses ont tourné au cauchemar pour lui. ( Selon les résultats partiels publiés par la Céni, Kabila devance Tshisekedi, notamment au Nord-Kivu avec 104.839 voix contre 71.494 pour Tshisekedi et au Sud-Kivu avec 167.370 voix contre 33.656 pour Tshisekedi, ndlr)
Le Chef d’État sortant Joseph Kabila
Mais l’interdiction des rassemblements a été décidée par le maire de la ville de Kinshasa pour officiellement éviter des débordements entre partisans des deux camps qui s’affrontaient déjà...
Mais, tout le monde sait que Kimbuta roule sous les bottes de Kabila et il ne pouvait en être autrement. À l’intérieur du pays, notamment à Goma et à Béni, des meetings des deux candidats se sont bel et bien déroulés le même jour et à des endroits proches l’un de l’autre sans qu’aucun incident n’ait été signalé. Mais, vu son amère expérience dans l’est où il a subi une débâcle et où ses partisans l’accompagnaient visiblement avec hésitation, il a vite compris que la fin de son règne s’approchait et se sentait. À Kinshasa, une écrasante majorité a voté Tshitshi. Et pourtant Kabila avait mobilisé des moyens conséquents et beaucoup plus importants qu’en 2006, pour battre campagne. Par exemple, tous les médias officiels ainsi que les musiciens étaient pour lui… À part Bill Clinton Kalonji et Marie Paul qui, d’ailleurs, ont été inquiétés... À propos de ces griots, j’étais choqué de voir Werrason qui a pourtant chanté à la gloire de Kabila en vantant les hôpitaux modernes que ce dernier aurait fait construire ; mais, pour une simple fracture au bras, il a dû quitter Kinshasa accompagné de son épouse et de leurs enfants pour aller se faire soigner en Inde...
Tous les moyens que Kabila a mis en place ont tout simplement servi à distraire les gens, en les préparant psychologiment tout en finançant la tricherie. Comme je l’ai toujours dit, une erreur contient toujours une part de vérité. Ce qui veut dire que les erreurs commises par l’opposition, notamment par le MLC en 2006, ont servi de leçon à cette opposition pour cette fois ci rectifier le tir. Et comme vous le savez, l’opinion était déjà au courant de cette tricherie démasquée en Afrique du sud , et à Kinshasa , à l’Équateur, au Nord Kivu, en province orientale, au Bandundu, dans les deux Kasai, au sud Kivu et au Katanga, de même qu’au Bas-Congo, où l’on a trouvé des bulletins déjà côchés pour le candidat Kabila, des bulletins On a aussi vu ce qui s’est passé dans des centres de vote, avec des noms inexistants des électeurs sur les listes, des bulletins pré-cochés Kabila, et des bureaux fictifs, bref, Kabila a été pris cette fois-ci la main dans le sac.
Les opérations se sont pourtant déroulées en présence des observateurs nationaux et internationaux...
Certes, mais le nom coché sur plusieurs bulletins de vote, c’est bel et bien celui de Kabila. C’est bien lui qui avait distribué de l’argent aux kulunas, pombas, aux gangs des rues, aux musiciens, et j’en passe, en échange de voix. Raison pour laquelle, je proclame, non pas par plaisir, mais par probité intellectuelle, le candidat Tshisekedi wa Mulumba vainqueur de ce scrutin présidentiel. Je m’explique. 1 – Comme je l’ai déjà dénoncé auparavant, Kabila avait déjà violé l’article 30 et 36 de la loi électorale (Journal officiel page 11) >>>>>> : Art. 30 : Pendant la période de campagne électorale, l’apposition d’affiches, de photos et autres effigies de propagande électorale est autorisée dans les conditions déterminées par la commission électorale nationale indépendante. Tout affichage est interdit sur les édifices publics. Art. 36 : Est interdite l’utilisation à des fins de propagande électorale des biens, des finances et du personnel de l’Etat, des établissements et organismes publics et des sociétés d’économie mixte. L’utilisation des biens, des finances et du personnel public visé ci-dessus est punissable de radiation de la candidature ou d’annulation de la liste du parti politique ou du regroupement politique incriminé(...) 2- On l’a pris la main dans le sac 3- Il a été froidement accueilli à Mbandaka, ce qui l’a d’ailleurs découragé de sillonner l’Équateur. Et selon, nos informations, les gens de l’Équateur l’ont boudé. Ils ne lui pardonneront jamais l’assassinat de Daniel Boteti, et celui, récent, de Marius Gangale, sans oublier le soutien tacite de Jen-Pierre Bemba qui, de sa cellule à la Haye, a appelé ses partisans à voter utile. À ne pas oublier les derniers événements de Kinshasa où sa garde républicaine et la police agissant à sa cause ont tiré sur la foule d’opposants. Ces événements ont eu un écho retentissant ailleurs dans le pays et ont sensiblement pesé dans la balance en sa défaveur. Il faut dire que ces événements s’ajoutent aux assassinats, viols dans l’est du pays et des guerres arrangées avec le Rwanda pour le pillage des ressources naturelles du pays.
Les gens savent que tout cela s’est passé sous le règne de Kabila. L’empêchement de Tshisekedi de circuler et d’aller librement voter dans le bureau de son choix, sa sequestration à l’aéroport devant les caméras du monde entier... Même au sein de sa famille politique, beaucoup de ceux qui hésitaient encore, ont certainement fini par comprendre ce qui l’attend.
Mais, ce n’est tout de même pas Kabila qui a ordonné de tirer sur la foule ou de séquestrer Tshisekedi.
Selon l’art 69 et 74 de la Constitution congolaise le chef de l’État est le garant de la Constitution et de la Nation. Or, il est le chef de l’État en exercice, en pleine fonction et bien présent dans la capitale. D’ailleurs, les militaires ont commencé à tirer à balles réelles sur la population seulement après son arrivée, car en effet lui aussi est venu à Ndjili où on l’a vu avec Kimbuta et les généraux Oleko et Bisengimana, ce qui prouve qu’il a commandité ces opérations.
RDC : Scènes de violences avant le début du... par Nouvelobs
Ce sont les partisans de l’opposition qui ont provoqué et défié les forces de l’ordre, notamment ceux de l’UDPS qui aurait aussi sa milice...
Je peux admettre qu’il y a eu des débordements de la part de certains surexcités. Mais, l’UDPS ne dispose d’aucune milice et d’ailleurs les images des télévisions du monde parlent d’elles-même. On a vu un Tshiseki séquestré pendant de longues heures, mais calme comme un Dieu, sans aucune agitation, qui n’a proféré aucune insulte et qui, impassible, attendait d’être libéré pour continuer sa mission (Tshisekedi a tout de même qualifié Joseph Kabila de Rwandais et déclaré que ce dernier devrait, je cite, rentrer dans son pays ndlr). Tshisekedi a toujours prôné un État de droit, la liberté et les droits des citoyens, il a toujours refusé de se soumettre à la pression de la dictature, en revanche les dictateurs ont toujours fait le contraire.
Les observateurs de l’UE, de l’UA, de la MONUSCO, de la SADC, de la CEEAC et tant d’autres se sont félicités du bon déroulement du processus...
J’ai toujours demandé à l’ONU de nous présenter un calendrier de son retrait du Congo où son effectif est le plus important au monde et sa mission la plus coûteuse pour le Congolais. Qu’est-ce que la MONUSCO a fait quand les forces de l’ordre et les éléments de la garde présidentielle ont tiré sur la foule ? Elle n’a même pas condamné cet acte.
Quant à l’UA (ex. OUA) je ne vois pas l’utilité de cette institution et je demande aux Africains de dissoudre carrément cette organisation qui ne sert pas les intérêts des peuples africains mais qui est au service des dictateurs. Et si M. Tshisekedi arrive aux affaires, il faudrait qu’il se désolidarise de cette institution et qu’ils traite directement avec les États sans passer par l’UA.
La CPI a mis en garde contre des fauteurs de troubles de tous bords...
Certes, la CPI est bien présente au Congo où elle a menacé de traduire les fauteurs de troubles devant la justice, mais elle n’a toujours rien fait face aux tueries, viols etc. dont les auteurs sont pourtant connus. J’espère qu’elle va s’occuper de ces gens d’ici peu. J’espère que les auteurs et le commanditaire de l’assassinat du commandant Masasu, le chef d’état major général des FAC, de Laurent-D. Kabila vont enfin rendre des comptes devant la CPI , que Kabila va enfin de répondre aux graves accusations portées contre lui par le député britannique Joyce...
La nomination à la tête de la Gambienne Fatou Ben Sounda, qui était jusque là l’ adjointe de O. Campo, n’ y change rien. Je souhaiterais que O Campo soit traduit en justice parce qu’on sait que beaucoup de ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité et violé les droits de l’homme circulent librement au vu et au su de la CPI...
Je profite de l’occasion pour fustiger l’attitude de Human Rigth Watch et les autres ONG dits des droits de l’homme qui n’ont pas réagi ou condamné immédiatement les actes de violences commis par les forces de l’ordre et par les éléments de la garde présidentielle ( HRW vient juste de condamner ces actes ndlr Lire >>>>HRW dénonce la mort de 18 civils en RDC en marge des élections >>>> ).
Qu’attendez-vous du prochain gouvernement qui sera issu de ces scrutins ?
On ne veut plus d’un système dans lequel le chef se prend pour Dieu le père, et dans lequel le peuple n’a aucun mot à dire, on n’en veut plus. Je propose au Chef de l’État élu de réviser la Constitution de manière à ce que les nominations prévues par les articles 81 et 82 le soient dans la logique de l’art 80 et que la nomination des personnes concernées soit précédée par l’élection au Parlement ainsi qu’aux Assemblée provinciales. Ainsi, les officiers généraux et supérieurs des forces armées et de la police nationale, ne devraient plus être nommés sur ordonnance... tout comme le conseil supérieur de la défense, les chefs d’état-major général et les chefs d’états majors et les commandants des grandes unités des forces armées, les hauts fonctionnaires de l’administration publique, les responsables des services et des établissements publics, les mandataires de l’état dans les entreprises et organismes publics, toutes ces nominations doivent se faire au grand jour et non plus dans l’ombre.
Une deuxième proposition très intéressante et primordiale : en ce qui concerne le ministère des Affaires Etrangères, je propose que le ministre soit appuyé par 2 vice-ministres don l’un chargé des relations avec l’Occident et le reste de l’Europe, par exemple le professeur Elykia Mbokolo que je pense avoir le profil indiqué pour ce poste, et le deuxième chargé des relations avec l’Asie et le Brésil
Enfin, j’attends de M. Ngoyi Mulunda de jouer la carte de la transparente et de publier les bons résultats ce mardi 6 décembre. Interview réalisée par Jossart Muanza (AEM)