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Des Ong congolaises saisissent le Conseil de sécurité pour dénoncer le soutien du Rwanda aux agresseurs du M23
Kinshasa, 25/07/2012 / Politique
Nouvelle étape franchie dans la dénonciation du néfaste rôle du Rwanda dans la guerre à l’Est avec la saisine du Conseil de sécurité par des Ong congolaises indiquant que la suspension de l’aide militaire américaine au régime de Kigali ne serait qu’un pan dévoilé du ténébreux complot ourdi par la haute finance contre la RDC
Des Organisations non gouvernementales congolaises (ONG) ont pris le relais du message lancé par les confessions religieuses en rapport le soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Elles sont 140 à avoir saisi depuis le 16 juillet 2012 le Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir son implication effective dans la guerre de l’Est de la RD Congo. La suspension de l’aide militaire américaine au Rwanda ne serait qu’un pan de réalisation de leurs revendications.
Simple coïncidence ou concours de circonstances ? Difficile à dire pour l’instant. Le plus évident est que le message des ONG congolaises transmis le 16 juillet 2012 aux Etats membres du Conseil de sécurité des Nations unies a eu des échos favorables à New York et Washington. La suspension de l’aide militaire américaine au Rwanda, intervenue juste après, en est une parfaite illustration. C’est la preuve que le cri de détresse lancé par la RDC a été entendu et au même moment le combat contre la balkanisation tend à porter des fruits sur le plan international.
Le message des ONG passe pour un plaidoyer en faveur d’un retour immédiat de la paix en RDC, mais particulièrement dans l’Est du pays où le «semblant de quiétude» dont les populations commençaient à profiter a été brusquement interrompu par la rébellion du M23. Elles se servent du rapport de la Monusco qui a eu la primeur de dénoncer publiquement le soutien du Rwanda aux rebelles du M23, lesquels sèment la terreur et la désolation dans l’Est du territoire national. Forte de cette dénonciation, la coalition des ONG de la Société civile congolaise demandent instamment aux Etats membres du Conseil de sécurité, ainsi qu’à leurs gouvernements respectifs, «de prendre des mesures immédiates pour mettre fin à tout soutien du Rwanda au M23, une mutinerie dans l’Est de la RDC dirigée par Bosco Ntaganda».
Cet appui du régime de Kigali au M23, notent-elles, comprend la livraison d’armes, de munitions et l’envoi de recrues venant du Rwanda, en violation des résolutions des Nations unies. Bien plus, des officiers supérieurs de l’armée rwandaise, clairement identifiés, se sont rangés aux côtés du M23 pour participer à cette entreprise de déstabilisation de la partie Est de la RDC. Cela, indiquent les ONG, «en dépit de tous les efforts consentis par les Congolais et la communauté internationale pour rétablir la paix dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu et développer l’économie du pays de façon durable».
Il est temps, recommandent-elles, «d’appeler publiquement le gouvernement du Rwanda à mettre un terme à son appui à la mutinerie du M23». Elles mettent les destinataires de leur missive devant leurs responsabilités : «pour prouver que les appels de votre gouvernement et ceux du Conseil de sécurité des Nations unies sont sérieux, nous espérons que vous serez prêts à suspendre l’aide au Rwanda ou à lui imposer des sanctions si le soutien au M23 ne cesse pas immédiatement». Ont-elles été entendues ? C’en a tout l’air. Car, le gouvernement américain vient, le week-end passé, de suspendre son aide militaire à Kigali.
Mais, au-delà de toutes les questions sécuritaires qui fragilisent l’Est de la RDC et auxquelles se mêlent divers groupes armés au nombre desquels les FDLR et le M23, le collectif d’ONG appellent les Etats membres du Conseil de sécurité à se liguer contre l’industrie du crime qu’entretient le Rwanda, via des pions téléguidés depuis Kigali, à l’instar de Bosco Ntaganda, activement recherché par la Cour pénale internationale.
Elles attendent du Conseil de sécurité qu’il se prononce clairement pour le retour d’une paix durable dans l’Est de la RDC. Elles estiment que le rapport du «Projet Mapping» des Nations unies, publié en 2010, a démontré «le degré de pires violations du droit international humanitaire et du droit international des droits humains commises en RDC entre 1993 et 2003». Lequel rapport note aussi la possibilité que certains des crimes commis par les soldats de l’armée rwandaise en RDC soient qualifiés de «crimes de génocide».
A l’épreuve
La communauté internationale entendra-t-elle ce cri de cœur lancé par des ONG congolaises ? Seules les prises de position et autres sanctions pourront permettre d’en avoir le cœur net. Cela dans la mesure où la même communauté internationale s’était, à maintes reprises, montrée réticente à admettre le rôle du Rwanda dans les fléaux qui affectent la RDC. Peu de gouvernements avaient manifesté l’engagement à inciter le Rwanda à mettre fin à son soutien aux groupes armés présents dans l’Est de la RDC. «Nous ne pouvons permettre la répétition des mêmes erreurs», indiquent-elles.
Les ONG de la Société civile congolaise sont d’avis que cacher ou ignorer la vérité sur le soutien du Rwanda aux rébellions dans l’Est de la RDC empêchera celle-ci à avancer vers la fin du cycle de violence et de l’impunité, de même que vers la paix et la stabilité tant attendues. «Plus la communauté internationale attend avant d’exercer sa pression sur le gouvernement rwandais, plus le M23 aura le temps de recruter de force nos enfants et d’étendre les territoires sous leur contrôle pendant que des milliers de personnes seront forcées de fuir».
Le moment est venu pour le Conseil de sécurité, indiquent les signataires de la lettre, de mettre fin aux «ambitions belliqueuses» du Rwanda. Engager davantage la Monusco dans la défense des populations civiles, en appui aux efforts du gouvernement de la RDC, en serait un bon prélude, concluent-elles.
Ci-dessous l’intégralité de la lettre transmise aux Etats membres du Conseil de sécurité des Nations unies.
Message de saisine du Conseil de sécurité par les Ong congolaises
Madame l’Ambassadrice, Monsieur l’Ambassadeur,
Une fois de plus, des atrocités sont commises sur le sol de notre pays, la République démocratique du Congo (RDC). La population congolaise est victime d’attaques d’un groupe armé soutenu par le Rwanda : le M23. En plus des efforts considérables fournis par le peuple congolais pour se remettre de ses traumatismes passés, le M23 vient maintenant menacer tout le processus de pacification de la RDC en général, et de l’Est du pays en particulier, et risque ainsi de réduire à néant le semblant de quiétude dont commençaient à profiter les populations de l’Est du pays. Le M23 a récemment pris le contrôle d’autres villes dans le territoire de Rutshuru, écrasant l’armée congolaise et les forces de maintien de la paix des Nations unies. Ces avancées et la possibilité d’une attaque sur Goma représentent encore une menace pour les populations civiles.
Nous, organisations de la Société civile congolaise, dénonçons et nous insurgeons contre cette situation. Nous vous demandons, ainsi qu’à votre gouvernement, de prendre des mesures immédiates pour mettre fin à tout soutien du Rwanda au M23, la mutinerie dans l’Est de la RDC dirigée par Bosco Ntaganda.
Comme vous le savez, Bosco Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre. D’autres commandants, ayant commis de graves atteintes aux droits humains, ont rejoint sa mutinerie. Nous connaissons ces hommes. Les populations de l’est de la RDC sont depuis longtemps victimes de leurs crimes, le plus souvent restés impunis. Nous souhaitons instamment le retour de la paix et de la stabilité en RDC mais nous ne pouvons pas y croire tant que de tels individus continuent d’inciter au conflit et commettent des crimes graves à l’encontre des populations civiles.
Les recherches effectuées par nos propres organisations ainsi que celles menées par le groupe d’experts des Nations unies, par la mission de maintien de la paix de l’ONU (MONUSCO) et par l’organisation internationale Human Rights Watch, apportent des preuves irréfutables démontrant le soutien du Rwanda au M23. Ce soutien comprend la livraison d’armes et de munitions et l’envoi de recrues venant du Rwanda, en violation des résolutions des Nations unies. Des responsables rwandais sont impliqués, dont le ministre de la Défense.
Nous avons également reçu des rapports crédibles que les soldats de l’armée rwandaise ont participé à des opérations contre l’armée congolaise, aux côtés des forces du M23, y compris au cours de la récente offensive à Bunagana, durant laquelle un Casque bleu des Nations unies a été tué. C’est aussi erroné de parler d’un réseau mafieux qui soutiendrait le M23 à partir du Rwanda, si en effet des militaires et officiers rwandais sont impliqués. Nombre de nos organisations ont reçu des témoignages du soutien au M23 à partir du Rwanda. Nous n’avons donc aucun doute quant à son existence.
Le soutien du Rwanda à la rébellion du M23 contribue à déstabiliser la RDC en dépit de tous les efforts consentis par les Congolais et la communauté internationale pour rétablir la paix dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu et développer l’économie du pays de façon durable. Il entrave les efforts de lutte contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et les autres groupes rebelles, car l’attention de l’armée congolaise, les FARDC, est focalisée sur cette nouvelle crise. Il sape les efforts de rapprochement entre les deux pays, notamment la relance de la CEPGL.
Il occasionne enfin une crise humanitaire grave, réveille les tensions ethno-tribales, et entraîne des préjudices graves à l’environnement (les combats actuels se déroulent dans la zone du Parc national des Virunga). Avec le temps, il sera plus difficile de trouver une solution et les conséquences humanitaires seront plus nombreuses. 200 000 personnes ont été récemment déplacées dans le Nord-Kivu, ou en tant que réfugiés au-delà des frontières internationales. Nous craignons une nouvelle détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire.
Nous vous demandons, ainsi qu’à votre gouvernement, d’appeler publiquement le gouvernement du Rwanda à mettre un terme à son appui à la mutinerie du M23. Pour prouver que les appels de votre gouvernement et ceux du Conseil de sécurité des Nations unies sont sérieux, nous espérons que vous serez prêts à suspendre l’aide au Rwanda ou à lui imposer des sanctions si le soutien au M23 ne cesse pas immédiatement.
Nous vous exhortons également à prendre le temps de comprendre qui sont vraiment les membres du M23. Les dirigeants de ce mouvement sont des commandants militaires ayant commis de graves atteintes aux droits humains et fomenté des attaques à l’encontre des populations civiles que nombre de nos organisations, ainsi que le Bureau du Haut commissaire aux droits de l’Homme des Nations unies, ont eu l’occasion de documenter. Un mandat d’arrêt international a été délivré par la Cour pénale internationale contre le Général Bosco Ntaganda pour crimes de guerre commis en Ituri. Depuis qu’il se trouve au Nord-Kivu, il a été impliqué dans de terribles abus. D’autres hauts dirigeants, comme les colonels Sultani Makenga, Innocent Zimurinda, Baudouin Ngaruye et Innocent Kayna (alias «India Queen») ont également été impliqués dans le recrutement forcé d’enfants, des massacres ethniques et de violence sexuelle à grande échelle.
Ces criminels de guerre présumés réclament la mise en œuvre des accords du 23 mars 2009 et déclarent défendre les intérêts de la communauté congolaise tutsie. Pourtant, de nombreux membres de la communauté congolaise tutsi ont fui les territoires de Masisi et de Rutshuru afin d’échapper au recrutement forcé effectué par les mutins. Les dirigeants des communautés congolaises tutsi et hutu, y compris les dirigeants militaires, politiques et hommes d’affaires, se trouvent sous une forte pression exercée par les dirigeants rwandais pour qu’ils rejoignent le mouvement ou le soutiennent.
Certains d’entre eux ont été la cible de menaces de mort et beaucoup ont l’impression qu’ils n’ont pas d’autres choix que de se joindre au mouvement. Nous regrettons l’existence d’une telle pression et demandons qu’elle cesse immédiatement. Nous ne voulons plus assister à une escalade de tensions ethniques et ferons tout en notre pouvoir pour y mettre fin.
Nous sommes profondément préoccupés par les massacres à grande échelle et autres atrocités commis au cours des derniers mois par le FDLR (un groupe rebelle en grande partie d’origine hutu rwandaise), le Raïa Mutomboki, et les autres milices opérant dans des zones largement abandonnées par l’armée congolaise afin de concentrer ses efforts sur la rébellion du M23.
Au cours de deux dernières décennies, la population de l’Est de la RDC a souffert d’innombrables atrocités pendant les occupations et les rébellions soutenues par le Rwanda. Des centaines de milliers de civils congolais ont été tués lors de ces conflits et des millions d’autres ont été déplacés, blessés, violés ou torturés. Les rébellions de l’AFDL, du RCD et du CNDP ont toutes bénéficié du soutien d’officiels rwandais, y compris de soldats de l’armée rwandaise qui ont souvent été déployés dans l’Est de la RDC et ont participé aux atrocités.
Bien sûr, le Rwanda n’a jamais spontanément reconnu son implication dans ces rébellions. Il n’est donc pas étonnant que le Rwanda s’évertue encore aujourd’hui à nier les évidences. Le pays essaie de gagner du temps et de la force, sachant que plusieurs acteurs clés de la communauté internationale hésitent encore à placer les responsables devant leurs responsabilités.
À de nombreuses reprises, la communauté internationale s’est montrée réticente à admettre le rôle du Rwanda dans les fléaux qui affectent la RDC, et peu de gouvernements ont pris les mesures nécessaires pour inciter le Rwanda à mettre fin à son soutien aux groupes armés présents dans l’Est de la RDC. Pourtant, c’est nous qui souffrons de ces politiques mal pensées. C’est nous, le peuple de l’Est de la RDC, qui sommes tués quand les balles fusent, qui tentons d’échapper à la mort, dont les femmes, mères, filles et sœurs sont violées, dont les enfants sont recrutés de force, décèdent de malnutrition avant l’âge de cinq ans ou n’ont pas de futur dans une zone où les écoles fonctionnent à peine.
En 2010, le rapport du «Projet Mapping» des Nations unies a démontré le degré de pires violations du droit international humanitaire et du droit international des droits humains commises en RDC entre 1993 et 2003. Le rapport note la possibilité que certains des crimes commis par les soldats de l’armée rwandaise en RDC soient qualifiés de «crimes de génocide». Le gouvernement rwandais a tenté d’empêcher la publication du rapport et reçu, à cet effet, le soutien de certains membres du Conseil de sécurité, y compris celui des Etats-Unis. C’est uniquement après que le rapport a été divulgué dans la presse que les membres du Conseil de sécurité ont officiellement accepté de le publier.
Entre 2006 et 2008, l’armée et le gouvernement rwandais ont soutenu la rébellion du CNDP, dirigée par Laurent Nkunda – un groupe responsable de massacres à grande échelle, du recrutement forcé d’enfants et du déplacement de centaines de milliers de civils. La communauté internationale a semblé ignorer le rôle du Rwanda dans le conflit jusqu’à fin 2008, quand le groupe d’experts des Nations unies a détaillé dans son rapport les preuves du soutien militaire rwandais à la rébellion et les recrues fournies par le Rwanda.
Nous ne pouvons permettre la répétition des mêmes erreurs. Cacher ou ignorer la vérité sur le soutien du Rwanda aux rébellions dans l’Est de la RDC ne nous a jamais permis d’avancer ni vers la paix, ni vers la stabilité, ni vers la fin des cycles de violence et de l’impunité tant attendue. Plus la communauté internationale attend avant d’exercer sa pression sur le gouvernement rwandais, plus le M23 aura le temps de recruter de force nos enfants et d’étendre les territoires sous leur contrôle pendant que des milliers de personnes seront forcées de fuir.
Nous sommes las d’être utilisés par les dirigeants rwandais dans la poursuite de leurs plans machiavéliques. Dans l’Est de la RDC, nous ne voulons plus voir de morts, de viols, de recrutements forcés et de déplacements de population. Nous vous demandons de faire tout pour mettre fin à ces ambitions belliqueuses, pour endiguer le soutien rwandais aux forces rebelles actuellement présentes dans l’Est de la RDC, pour engager davantage la MONUSCO dans la défense des populations civiles, et pour soutenir les efforts du gouvernement de la RDC dans la lutte contre le M23 et cette agression du Rwanda à peine voilée.
Nous vous prions d’agréer, Madame l’Ambassadrice, Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de notre haute considération.
Le Potentiel