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Crise au Nord Kivu :
Goma : Le colonel Ndala dément... son rappel à Kinshasa
Un jeune gomatracien brandissant une pancarte au message explicite.
Qui veut manipuler qui au Nord Kivu? Des messages sms annonçant le rappel à Kinshasa du commandant des opérations militaires des FARDC, le colonel Mamadou Ndala, ont provoqué, dans la matinée du jeudi 18 juillet, des "manifestations de colère" des femmes de militaires et des jeunes à Goma. Sans avoir ouvert une enquête, le gouverneur du Nord Kivu, le PPRD Julien Paluku, s’est empressé d’imputer cette "manipulation" aux rebelles du M23. Vraiment?
“Ce n’est pas vrai, c’est une rumeur. Une manipulation des rebelles qui veulent déstabiliser le moral de la population et des troupes engagées au sol. Deuxièmement, je suis en contact, toutes les cinq minutes, avec mon chef le commandant région, le général Bahuma. Si je devais être relevé, c’est lui l’autorité hiérarchique qui pourrait m’indiquer cela. Donc, c’est faux et archifaux“. C’est la déclaration surprenante faite jeudi par le colonel Mamadou Ndala sur les antennes d’une radio locale. Le gouverneur Julien Paluku a enfoncé le clou en déclarant que la «hiérarchie militaire n’a rappelé aucun officier». Pour lui, ces rumeurs ne seraient qu’une «intoxication de l’ennemi». But : démobiliser les soldats se trouvant au front.
Il semble que cet officier ferait preuve d’une bravoure exceptionnelle qui lui vaudrait le respect des hommes de rang déployés sur le terrain des opérations. Les Gomatraciens qui suivent avec une attention soutenue le déroulement des combats entre les FARDC et le M23 ne jureraient plus que par cet "homme providentiel".
Cette nouvelle affaire n’est pas sans rappeler les «ordres» et «contre-ordres» transmis directement aux commandants d’unité lesquels avaient fini par démotiver les troupes. «Chaque fois que les forces gouvernementales prenaient le dessus sur les insurgés, l’ordre de repli tombait…», confiait en novembre dernier plusieurs militaires.
Lors d’une Question orale initiée, le 3 décembre dernier, par le sénateur Florentin Mokonda Bonza, le ministre de la défense nationale, Alexandre Luba Ntambo, parlait de «désinformation» orchestrée par le Rwanda de Paul Kagame «pour nous affaiblir». Le ministre Luba a pourtant reconnu avoir reçu des plaintes dans le même sens. Au lieu de mener des investigations, il s’est contenté de vociférer : «Mais un ordre donné par qui ?. En vertu de quelles compétences puis-je décréter un cessez-le-feu? C’est de la rumeur.»
Intervenant dans l’émission "Dialogue entre Congolais" de radio Okapi sur la reprise des hostilités au Nord Kivu, le ministre des Médias, Lambert Mende, a démenti les rumeurs faisant état des ordres contradictoires donnés aux troupes FARDC en novembre de l’année dernière. Selon lui, le donneur des tels ordres aurait été traduit en justice pour haute trahison. Et pourtant.
Dans son édition datée du vendredi 1er février 2013, le quotidien bruxellois «Le Soir» publiait les déclarations des colonels Fabien Dunia et Olivier Hamuli respectivement commandant du bataillon para-commando basé à Kindu et porte-parole des FARDC. Le premier n’est pas allé par le dos de la cuillère en accusant le chef d’état-major général de l’armée congolaise, le général Didier Etumba Longila. Selon Dunia, c’est bien Etumba qui donnait des «ordres contradictoires» aux troupes déployées sur le théâtre des opérations. «Alors que les forces gouvernementales étaient à deux doigts d’arrêter Bosco Ntaganda, un ordre émanant du général Etumba, commandant en chef de l’armée, les surprit : il fallait observer cinq jours de cessez-le-feu. Un délai qui permit à Bosco Ntaganda et à ses acolytes de fuir en direction de la frontière rwandaise en traversant le parc des Virunga», dit-il. Et d’ajouter : «On nous a envoyés sur des collines où il n’y avait personne, où nous étions exposés aux tirs ennemis, sans ravitaillement ni munitions».
Etrangement, aucune enquête n’a été ouverte, à ce jour, sur ces allégations gravissimes. Dunia n’a pas non plus été entendu par la "hiérarchie" ou la justice militaire. Cet officier a implicitement contredit le ministre de la Défense dont les propos devant les sénateurs cachaient mal une irresponsabilité certaine. D’ailleurs, dans le même journal, le colonel Olivier Hamuli déclarait que les FARDC seraient infiltrées par le jeu de "brassages" et autres "mixages".
Un observateur joint au téléphone, vendredi, à Kinshasa, a eu ce commentaire : "Décidément, les Zaïro-Congolais ont une mémoire bien courte. Ont-ils oublié que l’homme qui trône à la tête de leur pays depuis douze ans a foulé le sol de l’ex-Zaïre en tant que chauffeur et aide de camp de James Kabarebe, l’actuel ministre rwandais de la Défense? Le colonel rwandais Patrick Karegeya a rappelé à ceux des Congolais qui semblaient l’oublier que l’AFDL, le RCD, le CNDP et le M23 et bientôt... le M27 sont des créatures du régime rwandais". A en croire cet observateur, "Joseph Kabila" doit générer des intérêts contradictoires. Il doit, d’une part, "gérer" l’opinion congolaise et de l’autre, ménager ses relations avec son mentor Paul Kagamé. Un jeu d’équilibrisme.
Et si le rappel du colonel Mamadou Ndala était tout sauf "une manipulation de l’ennemi"?
Baudouin Amba Wetshi
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