Léopards : que peut apporter Hector Cúper ?

Par Muko
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Cette fois, l’information est officielle. Non pas parce qu’elle a été annoncée par la FECOFA – qui s’est distinguée par des couacs de communication ces dernières semaines – mais parce qu’elle a été confirmée par le principal intéressé, vidéo à l’appui. L’Argentin Hector Cúper (65 ans) est devenu le nouveau coach des Léopards, après avoir signé un protocole d’accord avec la Fédération. Manager exprimenté, il sera le deuxième Sud-Américain à diriger l’équipe nationale, après le bref passage du Brésilien Celio Barrios, en 1997. Entraîneur d’expérience, ayant côtoyé le très haut niveau, son profil apparaît comme un beau pari pour les Léopards. Toutefois, il demeure réputé pour un style ultra-défensif, et sa malchance dans les grands rendez-vous. Focus.

Une nomination inattendue

Il y a encore une semaine, le Français Rolland Courbis était fortement pressenti pour prendre les rênes de la sélection. Choisi par la FECOFA, son profil était validé par le Ministère des Sports, et Serge Nkonde s’apprêtait à « entamer les démarches nécessaires pour le faire venir« . De son côté, l’entraîneur de 67 ans démentait, par le biais de son compte Twitter, « l’accord de principe » que la Fédération annonçait avoir trouvé avec lui. Et il n’y en aura effectivement pas… selon nos sources, les prétentions salariales de celui qui est actuellement consultant chez RMC Sport ont contraint la FECOFA à porter son choix sur un autre homme.

Et le profil d’un entraîneur d’expérience était vraisemblablement visé, car l’instance a fini par jeter son dévolu sur Hector Cúper. Candidat au poste, il n’avait pourtant pas été retenu dans la short-list annoncée (composée d’Hugo Broos, qui a préféré s’engager avec l’Afrique du Sud, et de Sébastien Migné) mais son CV a sans doute plaidé en sa faveur. 

Un connaisseur du haut niveau…

En effet, celui qui fut international avec l’Albiceleste pendant sa carrière entraîne depuis 28 ans. Après avoir commencé à coacher en première division argentine, il débarque en Espagne ou il mène Majorque en finale de la Coupe du Roi, perdue contre le Barça en 1997. Mais il décroche la Supercoupe nationale face aux Blaugranas la année adversaire. Avec le clubs des Baléares, il atteint une historique troisième place en championnat, qualificative pour la Ligue des Champions en 1999, restée aujourd’hui le meilleur classement de l’histoire du club. 

La même année, il est pointé par Claudio Ranieri lui-même pour lui succéder à la tête de Valence. Il réussira à mener les Murcielagos en finale de la Ligue des Champions deux fois consécutives, mais s’inclinera deux fois. D’abord face au Real Madrid en 2000, puis devant le Bayern aux tirs au but l’année suivante. Toutefois, son beau parcours, à la tête d’une jeune génération, n’a jamais été oublié des supporters valencians. Et c’est là que le « style Cúper » s’est dessiné. Loin de prôner un jeu flamboyant et spectaculaire il mise sur la solidarité et un « esprit de sacrifice élevé » selon ses propres aveux. 

Auréolé d’une flatteuse réputation, il est embauché par l’Inter Milan, où il remplace Mauro Tardelli en 2001. Mais il n’arrivera pas à passer le cap espéré avec les Nerrazzuri. Le club rate le Scudetto dans les ultimes moments du championnat au profit de la Juventus. Il s’incline également, dans des circonstances très particulières, en demi-finale de la Ligue des Champions face au rival du Milan AC, futur vainqueur de la compétition. Après avoir concédé un 0-0 à l’aller, les deux clubs se neutralisent également au retour (1-1). Cependant, le Milan AC passe, en raison de la règle du but à l’extérieur… alors que les deux équipes évoluent à San Siro, dans le même stade ! Après un mauvais départ la saison suivante, il est limogé et revient à Majorque, qu’il parvient à sauver de la relégation. Mais il démissionne en 2006, puis effectue un passage éclair au Bétis Séville, également en difficulté en Liga. 

Après une expérience compliquée à Séville, sa cote baisse, et il met entre parenthèses sa carrière d’entraîneur en club après une brève expérience à Parme, en devenant sélectionneur de la Géorgie pendant un an. Il enchaîne ensuite les piges sans relief en Grèce (Aris), en Espagne (Racing Santander), en Turquie (Orduspor) puis au Qatar (Al-Wasl) avant d’atterrir en Egypte en 2015.

… mais au style ultra-défensif ! 

En rejoignant les Pharaons, il hérite d’une équipe en crise depuis quatre ans, qui ne s’est toujours pas remise de l’arrêt de son championnat pendant deux saisons, suite aux tragiques « événements de Port-Saïd » en 2012. Après avoir régné sur l’Afrique de 2006 à 2010, l’équipe venait de manquer trois éditions de la CAN coup sur coup (2012, 2013 et 2015). Et Cúper parviendra, tant bien que mal, à enrayer cette dynamique. Contre toute attente, les Nord-Africains atteignent  la finale de la CAN 2017, où ils s’inclineront devant le Cameroun.

Comme à Valence, quinze ans plus tôt, personne n’avait venu voir le succès de l’entraîneur argentin. Mais à force de discipline, d’une rigueur de fer et d’un collectif soudé, il parvient à avoir des résultats. Pourtant, les égyptiens étaient loin, très loin d’être emballés par le jeu présenté par leur équipe. « Il a reçu beaucoup de critiques de toute part au début, car les gens en Egypte veulent voir du beau jeu, offensif, avec beaucoup de buts. Mais comme vous avez pu le voir durant cette compétition, M. Cúper ne joue pas comme cela. Il préfère ne pas en encaisser et jouer en contre-attaque. » révélait le journaliste égyptien Mohamed Fayouk Hendy à l’AFP, à la veille de la finale de la CAN.

Face aux critiques, Cúper persistait et signait à la veille de la Coupe du Monde, à laquelle il avait réussi à qualifier l’Egypte : « On nous a répété à maintes reprises que nous étions trop défensifs mais nous nous sommes qualifiés pour la Coupe du monde avec cette approche, pour la première fois en 28 ans. Nous sommes arrivés en finale de la Coupe d’Afrique des nations en jouant de cette manière. » Par conséquent, les supporters des Léopards vont devoir l’intégrer : ce n’est pas à 65 ans qu’il changera quoi que ce soit. Là où Christian Nsengi prônait un jeu offensif, ne voulant « à tout prix que l’équipe ne subisse pas » comme nous révélait Arthur Masuaku après le match en Algérie, Cúper misera avant tout sur la sécurité. 

Cette tendance, qui le caractérise autant que ses cheveux blancs et son regard austère, a agacé un certain nombre de joueurs, et pas des moindres… « J’ai quitté l’Inter à cause de Cuper » avait lâché Ronaldo (le Brésilien) après son départ pour le FC Barcelone en 2002. Lassé par la tactique défensive de l’Argentin, et sa propension à vouloir mater l’ego des stars, celui qui est considéré comme l’un des meilleurs attaquants de l’histoire avait plié bagage de manière inattendue. Même son de cloche chez Sérgio Conceiçao, actuellement entraîneur de Chancel Mbemba au FC Porto, et qui a également été coaché par Cuper à Milan : « C’est un entraîneur très, très défensif. Un jour je me suis fâché avec lui car en demi-finale de la Champions League 2003, contre l’AC Milan, il voulait que je défende sur Serginho, un latéral très offensif (alors que Conceiçao jouait ailier, ndlr). Moi je lui avais dit : Non c’est lui qui doit défendre quand je vais attaquer ! Mais je garde un bon souvenir de lui. » ajoute le Portugais. 

Est-ce vraiment ce dont les Léopards ont besoin ?

Au vu des dernières sorties, il apparaît que la RDC a davantage besoin de marquer que d’éviter d’encaisser. Et le style de Cuper n’a pas fonctionné lors de sa dernière expérience en Ouzbékistan, sélection au potentiel – il est vrai – assez limité. De plus, s’il a connu le haut niveau, ses équipes ont souvent failli dans les grands rendez-vous (quatre finales perdues, et un mondial raté avec l’Egypte). Mais avec deux finales de Ligue des Champions atteintes, une Supercoupe d’Espagne remportée face au Barça, et un Prix Don Balón 2000 (meilleur entraîneur de La Liga espagnole), il aurait été compliqué pour les Léopards de trouver un sélectionneur avec un meilleur CV. 

S’il a su faire preuve d’adaptabilité au cours de sa carrière, en entraînant dans dix pays différents, la RDC sera sa première expérience en Afrique subsaharienne. Et, même si, à 65 ans, Cúper a du être confronté à toutes sortes d’expériences, la RDC est un contexte très singulier. Espérons qu’il s’épanouisse dans celui-ci, et qu’il puisse nous guider jusqu’au Qatar. 

Buena suerte, señor Cúper ! 

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